Au début du XVIIIe siècle, les peintres des Pays-Bas virent croître leur prestige auprès des amateurs français. Les collections parisiennes ont d’ailleurs reflété ce goût passionné. Nombre d’artistes s’en inspirèrent et répondirent à cette tendance par leurs propres travaux. Parmi les plus illustres représentants de cet engouement, qui se propose d’arracher à toute nature morte les secrets de la vie silencieuse, figure un élève de Nicolas de Largillière : Jean-Baptiste Oudry. Son père, Jacques Oudry, était peintre lui-même, membre de l’Académie de Saint-Luc, et avait ouvert une boutique de marchand de tableaux. Le jeune Jean-Baptiste y apprit les rudiments de son art, avant d’être pris en charge par Michel Serre, qui revenait de Rome et visitait régulièrement les boutiques du pont Notre-Dame, où Oudry Père était installé. Deux ans plus tard, il entrait à l’école de la maîtrise de Saint-Luc. On sait qu’il s’y distingua, remportant plusieurs prix de dessin. Il avait vingt et un ans lorsqu’il demanda à son père de le conduire chez Largillière, qui était son ami. Le nouveau maître que le jeune homme s’était choisi pour cinq ans devait lui révéler les pratiques du coloris. Après avoir quitté l’atelier de Largillière, Oudry semble travailler pendant deux ans pour les marchands du pont Notre-Dame, alors centre de la brocante parisienne.
 

Connu pour avoir débuté comme portraitiste, Jean-Baptiste Oudry se dirigea rapidement vers les genres de la nature morte et de la peinture animalière, pour lesquels il semblait avoir plus de dispositions. En cela il suit la trace de peintres hollandais tels Brueghel de Velours, Jacques de Gheyn II ou Balthasar van der Ast, dont les planches de nature encyclopédique représentant animaux et insectes sont restées comme leur marque de fabrique. Notre peinture s’inscrit dans une série de petites toiles, parmi les premières qu’il ait réalisées, dont au moins trois sont connues aujourd’hui : deux natures mortes avec insectes, signées et datées 1712, provenant du château d’Aiguillon, aujourd’hui au musée d’Agen ; une Nature morte aux deux oiseaux morts, signée et datée 1713, conservée au musée de Marseille. Procédé efficace ou recherche picturale : ces quatre oeuvres semblent rejouer la même scène et se nourrir entre elles d’infimes variations, à la recherche d’un équilibre toujours plus accompli.
 

Une mésange charbonnière est suspendue à un clou par la patte ; sur la margelle, aux côtés d’un vase contenant des jasmins, l’artiste a introduit deux souris dégustant des noix ; enfin l’on découvre cinq insectes volant, dont trois papillons. La simplicité apparente de l’oeuvre ne fait qu’accentuer la perfection de sa mise en scène ainsi que la profession de foi qu’elle semble exprimer. Le charme de ce tableau procède de l’aisance avec laquelle Oudry manie le trompe l’oeil, développant tout un camaïeu dominé par les bleus et les gris et relevé de teintes sourdes et de blancs éclatants. L’effet de profondeur dans cet espace restreint est rendu sensible par la délicatesse des zones d’ombre qui font comme un halo autour de l’oiseau et des musaraignes. Par contraste, les insectes semblent voler entre le mur et notre regard. Les souris accentuent le caractère familier de cette toile: la mésange comme le papillon sont des bêtes très communes. Il semble que le peintre ait voulu révéler la beauté de l’ordinaire, comme le fera plus tard Chardin. La souris est également un symbole de vanité: associée aux dépouilles d’oiseaux, ce petit rongeur évoque l’action du temps qui dévore toute chose (elle apparaît dans un contexte similaire dans les natures mortes hollandaises).
 

Notre peinture tout en finesse déploie une palette de tons subtils. Dans une absence d’ostentation, le jeune Jean-Baptiste Oudry fait montre d’une parfaite maîtrise de son art, qui annonce une brillante carrière. (P.R.)

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