Joseph Wright of Derby fut tour à tour peintre de la révolution industrielle, inventeur de nouvelles iconographies scientifiques, mais également paysagiste clairvoyant de grottes et de volcans, de grands phénomènes géologiques et météorologiques, comme de visions nocturnes d’usines et de hauts fourneaux des Midlands. D’abord portraitiste et interprète de la nouvelle classe naissante de marchands, industriels et intellectuels britanniques, il fut rapidement connu pour sa technique du clair-obscur, en particulier pour ses tableaux de scènes éclairées à la chandelle. Ses oeuvres représentant les débuts de la science par l’alchimie, souvent tirées des réunions de la Lunar Society, groupe de scientifiques et industriels très influents vivant dans les Midlands anglaises, forment des archives importantes sur le combat de la science contre les valeurs religieuses et l’obscurantisme au siècle des Lumières. Grand maître de la peinture de paysage occidentale, Joseph Wright of Derby peut être considéré comme un trait d’union entre Richard Wilson, pour son penchant vers la nature, et William Turner, pour les effets atmosphériques et le rôle central de la lumière. Joseph Wright entama son apprentissage auprès de Thomas Hudson à Londres, entre 1751 et 1757. Son maître était un portraitiste à la mode, connaissait de nombreux artistes et possédait une importante collection d’estampes et de dessins qui devait être une mine d’inspiration pour ses élèves et pour lui-même. Durant cette période, Wright revint régulièrement à Derby où il s’essaya au portrait avec les membres de sa famille, ces oeuvres étant les premières datées que l’on connaisse de lui. Tout au long de sa carrière, les commandes de portraits restèrent sa source de revenus la plus assurée. Dans les années 1760, il semble s’inspirer des oeuvres des peintres hollandais tels Schalken ou Honthorst (qu’il connaissait grâce à la collection d’estampes de Hudson) et développe dans ses toiles des effets de clair-obscur et d’éclairage à la bougie. À l’exception de Thomas Frye, dont l’influence sur Wright fut considérable, peu de peintres britanniques avaient exploré les jeux d’ombre et de lumière issus d’une source lumineuse unique. On déduit généralement de ce goût pour les effets dramatiques de la lumière (artificielle et naturelle) l’intérêt de Joseph Wright pour les forges et autres ateliers de la révolution industrielle. Wright partit en voyage en Italie entre 1773 et 1775, courte expérience qui le marqua néanmoins si fortement qu’il ne cessa, jusqu’à sa mort, de la faire affleurer dans de nombreux paysages. On le sait à Rome entre avril et juin 1774 puisqu’il étudie alors les effets spectaculaires de la Girandola, feux d’artifice qui clôturaient les festivités du dimanche de Pâques et le jour de la Saint-Pierre-et-Saint-Paul ; ces études répondent à celles effectuées la même année à Naples aux abords du Vésuve, dans un contraste éloquent entre technologie et géologie, entre artifice et nature. Wright visita ensuite Florence du 19 juin au 4 juillet 1775 et, bien qu’on ne lui connaisse aucun croquis de la ville, elle dut lui faire une impression durable pour qu’il lui consacre un tableau quelque quinze années plus tard

La vue est composée depuis le sud-est, en direction du soleil levant. Au-delà de l’Arno, on distingue sur la gauche le Duomo de Santa Maria del Fiore. Comme souvent dans ses paysages, Wright of Derby nous donne l’impression que la lumière est le sujet même de l’oeuvre. Si les arbres, le fleuve et presque tous les éléments terrestres sont immobiles, le ciel ne l’est pas. Le soleil, se levant lentement derrière les nuages, envoie ses premiers rayons qui colorent les alentours de tonalités jaune pâle et rose nacré. L’artiste a su rendre l’impression que le paysage allait changer d’un moment à l’autre. L’intérêt de Wright pour l’observation et la description des ciels fut probablement suscité par le travail d’Alexander Cozens, dont il possédait des oeuvres. Les études de ciels qui se trouvent dans les deux carnets de croquis de Wright du Metropolitan Museum témoignent de la persistance de cet intérêt, qui transparaît dans presque toutes les peintures de paysages de sa dernière décennie.

Nul doute que le voyage en Italie fût déterminant dans l’attirance de Wright pour le genre du paysage. L’abondance des croquis réalisés à Rome, conservés pour la plupart au musée de Derby, indique le commencement d’une passion qui ne faiblira plus. Les années 1790-1793 sont marquées par l’obsession italienne, qui, au soir de la vie du peintre, revient le hanter. De nombreux paysages réalisés de mémoire baignent dans une lumière de rêve, tels le Paysage italien de la National Gallery de Washington, ou la paire des Lacs italiens de la collection Mellon du Yale Center, ou encore le Lac de Némi au coucher du soleil du musée du Louvre. Si chacune de ces peintures possède une poésie remarquable, notre Vue de Florence est empreinte d’une féerie singulière. L’effet lyrique provoqué par les rayons contraste avec le premier plan du tableau, sombre et boisé. L’Arno est baigné d’une froide lumière matinale, traversé par une unique barque qui agit comme un relais pour le regard, presque suspendue dans cet instant de lumière. Cernée par la puissance de la nature environnante (avant-plan et lointain), la ville s’estompe. Cette unique vue de Florence peinte par Joseph Wright of Derby est une reconstitution mentale où la stricte topographie cède le pas à un sentiment de sérénité, à une impression d’immobilité. (P.R.)

 

 

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