Thomas Blanchet

Né à Paris, formé dans l’atelier du sculpteur Jacques Sarrazin, puis probablement dans celui de Simon Vouet, c’est pourtant à Lyon que Thomas Blanchet construit l’essentiel de sa réputation de peintre. Il parfait sa formation en Italie, au cours d’un important séjour qu’il demeure difficile de dater avec précision, sa présence à Rome étant documentée de 1647 à 1653 dans les stati delle anime, recensements paroissiaux des « âmes », sous les noms de Tomaso Blance, Monsù Blancis ou Thomaso Blangett[1]. Dans la ville éternelle, l’artiste est le témoin direct des confrontations et échanges entre les différentes tendances, portées par les œuvres baroques d’Andrea Sacchi et de l’Algarde, et celles plus classiques de Nicolas Poussin. Blanchet fait valoir son talent par des caprices architecturaux qui, s’ils doivent beaucoup aux peintures de Jean Lemaire par l’importance qu’elles accordent au décor à l’antique, sont rapidement appréciés et collectionnés. En 1652-1653, il reçoit la commande du projet de mausolée de René de Voyer d’Argenson, ambassadeur de France, pour l’église de San Giobé à Venise, dont la réalisation incombera à Dufresnoy et au sculpteur Claude Perreau. En 1655, Blanchet s’installe à Lyon, où il réalise les décors de l’Hôtel de Ville de 1655 à 1672,  puis de l’Abbaye des Dames-de-Saint-Pierre (actuel musée des Beaux-Arts) entre 1674 et 1684. Parallèlement, il conçoit de nombreux décors éphémères pour les fêtes et cérémonies religieuses, souvent en collaboration avec le père jésuite Claude-François Ménestrier, célèbre chorégraphe de l’époque. Nommé peintre ordinaire de la ville de Lyon en 1675, l’artiste est reçu l’année suivante à l’Académie royale et œuvre à la création d’un enseignement académique au sein même de sa ville. Si ce dernier resta peu connu, il n’empêcha pas Blanchet d’attirer des collaborateurs de talent, tel Louis Cretey, qui le rejoint à son retour de Rome en 1681 pour l’assister dans la réalisation d’importants décors, notamment l’ancien palais de Justice de Lyon, dit « palais de Roanne » en 1686.

Figurant la Sainte famille en compagnie de Saint Jean-Baptiste, notre dessin appartient à la meilleure manière de Blanchet. De petites dimensions, énergiquement esquissé a? la plume et a? l’encre brune avant d’être soigneusement mis au carreau, laissant apparaître quelques traits de sanguine et rehauts de blancs, cette feuille est assimilable a? un ensemble cohérent de dessins préparatoires a? des sujets religieux identifiés par Lucie Galactéros de Boissier. Quoique aucun tableau d’église sur ce sujet ne soit répertorié dans le catalogue de l’artiste, la technique comme le dispositif scénique relativement simplifie? rattache directement notre étude à celles des nombreux cycles réalisés pour les congrégations lyonnaises entre 1670 et 1689, tels ceux de la chapelle des Pénitents de Saint-Marcel, qui possédait onze scènes de la vie du Christ, ou ceux de la chapelle des Pénitents du Confalon. Récemment redécouvert, notre dessin était précisément décrit, jusque dans ses dimensions, par le Marquis de Chennevières, auquel il a appartenu, comme une scène d’intimité familiale : « La Sainte Vierge assise tient l’Enfant Jésus entre ses genoux et présente la croix au petit saint Jean qui caresse un agneau. Au second plan, à droite, saint Joseph[2] ». L’ensemble suit une structure architecturale classique, dans laquelle se tiennent les personnages enveloppés de drapés imposants. Les gestuelles, élégantes et posées, le jeu des regards, concourent à traduire l’émotion sereine et joyeuse d’un instant de tendresse. La sobriété du paysage contraste avec la liberté de l’écriture accordée aux figures, à travers les subtiles modulations de la plume et les hachures nerveuses et vibrantes, résolument modernes, propres aux dernières décennies de Blanchet.

                                                                                                                             Maximilien Ambroselli