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(Lyon, 1762 – Leuze, près de Tournai, 1833)
La Rébellion lyonnaise, 1794
Huile sur panneau,
46,5 x 68,5 cm.
Provenance :
Peut-être l’esquisse du concours de l’an II, n° 1462, La Réduction de Lyon (Archives nationales, D*XXXVC.1). Sur le marché de l’art en 1975 ; villa d’une illustre famille dans les environs de Florence.
Bibliographie :
Jérémie Benoit, Philippe-Auguste Hennequin (1762-1833), Paris, Arthéna, 1994, p. 49, n° P. 13bis, 79-80, repr., 135.
VENDU AU MUSEE DES BEAUX-ARTS DE LYON
Attiré dans sa jeunesse par le bouillonnement des idées révolutionnaires et mû par un tempérament insoumis, Hennequin connaît un début de carrière pour le moins tourmenté. Après une formation à l’École de dessin de Lyon sous la direction de Donatien Nonotte et d’Eberhard Cogell, il rejoint l’atelier que David vient d’ouvrir à Paris à la fin de 1780, mais il en est chassé l’année suivante à la suite d’un vol de couleurs dénoncé par son condisciple Wicar. À Rome de 1784 à 1789, il est poursuivi par la police papale en raison de ses activités maçonniques, aggravées par ses contacts avec le sulfureux comte de Cagliostro. Réfugié à Lyon, il participe activement à la Révolution aux côtés des Jacobins.
Le siège et la prise de Lyon par l’armée républicaine, entre septembre et octobre 1793, alors que la ville, à la faveur des insurrections fédéralistes dans le midi, est passée entre les mains des royalistes, fournissent à Hennequin l’occasion de promouvoir ses talents. En même temps qu’il fait accomplir les démolitions punitives des maisons contre-révolutionnaires, en tant que commissaire, il propose à la Commission temporaire de la Ville affranchie, en février 1794, de peindre pour sa Maison commune un tableau monumental représentant « la rébellion lyonnaise terrassée par le génie de la liberté ». Une lettre du 2 février 1794 développe le programme de cette allégorie dans des termes vindicatifs propres à la rhétorique jacobine : «Un jeune homme représentant le peuple français, debout et appuyé sur sa massue, ayant sous ses pieds la fédéralité terrassée ; les poisons, les poignards, les sceptres et les couronnes sont brisés autour de lui. Le jeune Hercule presse entre ses bras la Liberté ; son attitude est grande et fière ; la Victoire sur ses pas le couronne. Au pied d’une montagne élevée parroit la Raison, qui ordonne la destruction de la ville rebelle qu’un peuple indigné démolit lui-même. Dans une partie du tableau, on voit le fleuve du Rhône triste, abattu, qui se couvre le visage, gémissant d’avoir baigné les murs d’une ville qui fut sur le point de ravir la liberté à la France. Au haut du tableau, parroit la Renommée publiant les triomphes des Français(1). »
Notre tableau est conforme à la description, à l’exception du dieu fleuve qui ne présente pas l’expression initialement imaginée par l’artiste. En raison de ce détail notre panneau ne saurait être confondu avec la « faible esquisse de [sa] composition » que le peintre dit soumettre à la commission en introduisant son programme(2), expression qu’il faut entendre au sens figuré, d’autant plus que la Commission temporaire répondit agréer le projet du peintre à la condition qu’il en présentât un dessin. Notre panneau en revanche pourrait correspondre à l’oeuvre soumise par Hennequin, sous le titre de Réduction de Lyon, au concours de l’an II organisé à Paris au printemps 1794 pour encourager l’art patriotique.
Cette leçon de jacobinisme, dominée par la triade Peuple-Victoire-Liberté en bleu, blanc et rouge, est caractéristique de l’art de composer un peu gauche de l’artiste. En témoignent les ruptures d’échelle entre les figures, dont les proportions ne s’accordent pas avec leur inscription dans l’espace. Mais c’est précisément l’expressivité élémentaire qui se dégage d’une telle disjonction, ainsi que le sens du pathos (figures terrassées, Rhône mélancolique), qui séduisent chez l’artiste. L’oeuvre est surtout l’un des rares morceaux aujourd’hui connus des concours de l’an II, et le témoignage artistique le plus important de la Révolution à Lyon. (M.K.)
1. Cité par Benoit, 1994, p. 49.
2. C’était l’hypothèse émise par Benoit, 1994, p. 79.
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