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(Grasse, 1780 - Paris, 1850)
Une condamnation sous le règne de François 1er, années 1830
Huile sur toile
128,5 x 193 cm
Inscription (postérieure à 1926) en bas à droite : "T.C."
Historique
Paris, vente anonyme, 28 juin 1926 (Une lecture de la sentence de condamnation des Templiers) ; Christie's, Londres, 20 novembre 1997, lot 258, comme Thomas Couture (Une allégorie historique) ; Rome, collection particulière (comme entourage de Thomas Couture, Jeanne d'Arc présentée au souverain).
Le fils de l’illustre Jean-Honoré Fragonard est l’un des grands peintres méconnus de la période romantique : virtuose, fécond, doué d’un sens supérieur de la dramaturgie, considéré par Adolphe Thiers comme l’un des artistes les plus talentueux de sa génération, Alexandre-Évariste a été peu à peu oublié à la fin de sa vie. L’histoire de ce tableau est à l’image de sa postérité : regardé sans être vu, au point qu’il en a perdu à la fois son titre et son nom. Il est passé pendant près d’un siècle pour une œuvre de Thomas Couture, en raison d’un monogramme abusif qui, faute de convaincre, a déclassé l’œuvre et égaré les spécialistes. Personne n’y a reconnu la main de Fragonard jusqu’à ce que le hasard nous mette en présence de ce tableau en 2013. Identifié successivement à « la lecture de la sentence de condamnation des Templiers », à « Jeanne d’Arc présentée au souverain », le sujet pourrait se rattacher par les costumes au siècle de François 1er ; mais il a également été proposé d'y voir le dévouement des bourgeois de Calais.
"On décèle aisément dans ce tableau, comme dans toutes les grandes pages épiques et d’apparat de Fragonard, les sources plastiques qu’il met au service de son art de metteur en scène. La théâtralité du dispositif architectural, qui hiérarchise fortement la distribution des groupes, avec les degrés du perron et la volée de marches servant de mobilier aux comparses ; l’ordonnancement des figures, qui oppose aux profils impassibles des dominants les faces pathétiques des accusés et des victimes collatérales, offertes à la vue des spectateurs ; l’éclairage sensationnel enfin, qui dramatise violemment l’atmosphère et redouble la dialectique de la domination, le jour cru jeté sur les prévenus accusant leur vulnérabilité face aux hommes de pouvoir se dessinant à contre-jour : tous ces éléments s’additionnent pour créer les conditions d’une participation émotive du spectateur, trahissant la familiarité de l’artiste avec les arts de la scène qu’il a approchés de près lorsqu’il dessinait des costumes pour l’Opéra. Mais cette source d’inspiration révélerait une faculté d’invention limitée si elle n’était sublimée par le style de l’artiste, fruit d’une synthèse qui ne pouvait appartenir qu’à lui : celle de Jean-Honoré et de David, du père et du maître, du coloris et de la forme..."
Extrait de Mehdi Korchane, Le Passé retrouvé. L'histoire imagée par le XIXe siècle, Lyon, galerie Michel Descours, 2014, p. 60.63.
Lien vers l'exposition "Le passé retrouvé. L'histoire imagée par le XIXe siècle"
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