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(Grenoble, 1817 – La Tronche, 1908)
Une Pergola à Casamicciola, Ischia
Huile sur toile
30 x 45 cm
Monogrammé en bas à gauche : EH
Inédit
ill. 1. Ernest Antoine Hébert, Vue prise de Casamicciola, Ischia. Huile sur toile, 20 x 33 cm. Paris, musée national Ernest Hébert.
ill. 2. Ernest Antoine Hébert, Vue prise de Casamicciola, Ischia. Aquarelle, 18 x 26 cm. Paris, musée national Ernest Hébert.
Hébert naît l’année où Guérin expose Didon et Énée au Salon, et meurt un an après le scandale des Demoiselles d’Avignon : l’homme qui traverse un siècle de révolutions artistiques en a été l’un des plus éminents représentants académiques. L’exemple de son cousin Stendhal n’est sans doute pas pour rien dans sa vocation artistique, laquelle se cristallise dans la passion de l’Italie. Fils d’un notaire grenoblois, Hébert s’est détourné des études de droit pour celle de la peinture. Élève de David d’Angers et de Paul Delaroche à Paris, il remporte le prix de Rome en 1839, sésame qui va déterminer le cours de sa vie partagée entre la France et l’Italie. Pensionnaire de la villa Médicis de 1840 à 1844, il prolonge son séjour de deux années, et, après deux autres passées à Marseille, connaît à son retour à Paris un succès considérable avec La Mal’aria (1848-1849, musée d’Orsay). Mais plutôt que d’en profiter pour faire une carrière officielle, le peintre préfère se retirer de nouveau dans le Latium et se fondre avec son peuple. Résidant dans le village escarpé de Cervara di Roma, au sud-est de la Ville éternelle, tout en continuant à parcourir la campagne jusqu’au royaume de Naples, il puise son inspiration dix années durant, envoyant régulièrement au Salon les beautés pittoresques du pays. Sa sensibilité parvient à renouveler le genre des belles paysannes italiennes qu’on croyait épuisé, et pour lequel s’enflamme de nouveau la critique, Théophile Gautier en tête : « Il sait exprimer mieux que personne cette mélancolie de chaleur, ce spleen de soleil, cette tristesse de sphinx, qui donne tant de caractère à ces belles têtes méridionales », écrit-il des Filles d’Alvito en 18551. L’artiste à la mode se lie d’amitié avec la princesse Mathilde, cousine de l’Empereur qui favorise sa nomination comme directeur de l’Académie de France à Rome de 1867 à 1873, fonction qu’il assura de nouveau sous la Troisième République, de 1885 à 1891.
Lors de son premier directorat de la villa Médicis Hébert s’est ménagé une retraite sur l’île d’Ischia, dans la baie de Naples. Ernest Renan s’y arrêta plus tard, en 1875, et décrivit tout le pittoresque et la douceur de vivre du lieu : « Nous y avons trouvé un parfait repos, un doux climat, une solitude absolue et un ami, M. Hébert, habitué depuis longtemps à venir chercher à Ischia la santé et les inspirations du genre de celles qu’il aime. Ischia est un ancien volcan, I’Épomée, autrefois rival du Vésuve, et qui, il y a cinq cents ans, bouillonnait encore. La variété, I’imprévu des petits paysages formés par les déchirures des flancs de la montagne ne peuvent se décrire. Les constructions, massives, irrégulières, semblent faites exprès pour le plaisir des peintres. […] Nous demeurons à mi-côté de la colline de Casamicciola, en face de Gaëte et de Terraccine, dans une maison perdue parmi les vignes, au milieu d’un labyrinthe de terrasses superposées et de petits sentiers, qui n’ont pas l’affreuse banalité des grands chemins. Rien de cet apprêté, si fatigant en Suisse ; pas un indigène ne s’aperçoit que tout cela est exquis… C’est le Liban, avec plus de charme encore2. »
C’est probablement le point de vue depuis ce site qu’a saisi Hébert à plusieurs reprises dans des études de plein air faites en différentes saisons, comme l’indique l’état changeant de la végétation (ill. 1 à 3). Une esquisse antérieure de Corot (ill. 4), exécutée à proximité, montre d’ailleurs que les hauteurs de Casamicciola étaient connues des peintres pour la beauté vertigineuse de leur panorama sur le golfe de Naples, avec le Vésuve à l’horizon. Inédite, la Pergola de Hébert confirme sa familiarité avec cette terrasse qui est peut-être celle de sa demeure. Prenant du recul afin d’embrasser son décor végétal, il a élargi le cadrage de ses petites études et y a introduit une fileuse, tirant de ses recherches de plein air un tableau de genre tel qu’en convoitaient les riches étrangers faisant le Grand Tour. Supplément pittoresque du paysage, le massif de roses trémières désigne la saison, et les faibles ombres le moment du jour : le début d’un après-midi écrasé de la lumière et de la chaleur du plein été. Toute nostalgie s’est dissipée dans l’éclatant soleil méridional, qui apparente davantage ce tableau à la vision de Corot qu’à celle, post-romantique, qui a fait la célébrité de Hébert. (M.K.)
1. Cité par Isabelle Julia dans Maestà di Roma. D’Ingres à Degas. Les artistes français à Rome, cat exp. Rome, villa Médicis, éd. Electa, 2003, p. 481.
2. Ernest Renan, Mélanges d’histoire et de voyages, Paris, 1878, p. 116-117.
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