• ill. 1. J. Mérigot d’après Louis Bélanger, Vue de la Cataracte de Kattila Koski, 1802. Aquatinte. Planche XI du Voyage pittoresque de Scandinavie. Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève.

Marchands merciers installés rue Saint-Antoine à Paris, les Bélanger ont acquis une honorable place sur l’échelle sociale à en juger par la carrière de certains de leurs dix-neuf enfants, devenus de proches serviteurs de la famille royale1. Ambroise Auguste fut le médecin ordinaire de la comtesse d’Artois, François-Joseph (1744-1818) devint dessinateur de la Chambre et du Cabinet du roi, inspecteur des Menus Plaisirs, premier architecte du comte d’Artois et créateur de Bagatelle, tandis que Louis devait à son tour connaître la fortune d’un artiste de cour. Élève de Casanova et de Moreau l’aîné, il est comme ce dernier d’abord un gouachiste et est souvent confondu avec ce maître pour avoir imité sa manière de peindre et ses sujets. S’il bénéficie sûrement des réseaux de son frère aîné, il cultive l’indépendance qu’exige sa vocation de paysagiste et voyage dans le sud de la France, en Suisse et en Italie jusqu’à ce que la Révolution éclate. Exilé à Londres en 1790, il se dit peintre du duc d’Orléans, fréquente le portraitiste Danloux, exécute des vues des parcs et jardins pour l’aristocratie locale, et quitte ce royaume dont il a épuisé les ressources inspiratrices, pour celui de Suède en 1798, avec le projet d’en réaliser un Voyage pittoresque. L’ouvrage est mis en chantier dès son arrivée avec la collaboration du graveur Cordier jusqu’à ce qu’un différend entre les deux partenaires y mette fin. Sa publication partielle en 1802 est néanmoins remarquée et le comte de Saint-Morys s’est, entre-temps, associé l’artiste pour son Voyage pittoresque de Scandinavie paru la même année. Ses vues des contrées sauvages du Nord assurent à Bélanger, devenu Premier Peintre de Gustave IV, une renommée durable. Il connaît à partir de cette date une activité intense, tant de pédagogue – il forme Karl Gustav Gillberg et Carl Johan Fahlcrantz – que d’artiste d’exposition, développant sa pratique de la peinture à l’huile et présentant régulièrement à l’Académie de Stockholm des vues pittoresques tant de sites suédois étudiés d’après nature, que de sites français, suisses et italiens recherchés des amateurs locaux et candidats au Grand Tour.

Les compositions pittoresques de Bélanger destinées à être gravées pour le recueil de Saint-Morys visaient à satisfaire la curiosité du public continental pour l’exotisme hyperboréen; leur traduction à l’aquatinte par Mérigot les ont quelque peu schématisées pour les conformer à leur fonction illustrative. D’ordre ethnographique, le commentaire de la Vue de la Cataracte de Kattila Koski (ill. 1) s’intéresse aux pratiques de navigation autochtones plus qu’au paysage2. À l’inverse, notre Cataracte de Kattilakoski est l’oeuvre d’un peintre. Fasciné par l’étendue et la beauté du phénomène naturel, Bélanger s’est mis de plain-pied avec le fleuve pour mieux traduire la rapidité de son cours, créant l’illusion d’une immersion imminente. Avec sa barque piégée dans les rochers après y avoir été charriée par un débordement du fleuve, le pittoresque prend des allures de désolation qui ne sont pas sans rappeler l’oeuvre d’un maître hollandais du genre, Allaert Van Everdingen. Les hommes, désormais réduits à l’échelle de fourmis, donnent la mesure de l’immensité du paysage. (M.K.)

 

 

 

1. Les éléments biographiques de cette notice sont empruntés à Claudie Bertin, « Un gouachiste oublié : Louis Bélanger (1756-1816) », Gazette des Beaux-Arts, 1984, vol. 104, p. 17-32.
2. Charles de Bourgevin Vialart, comte de Saint- Morys, Voyage pittoresque de Scandinavie : cahier de vingt-quatre vues avec descriptions, s.l., 1802, p. 15-16.

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