Ce paysage, acquis sans nom d’auteur et un moment rapproché de l’œuvre d’Isaac de Moucheron, vient d’être rendu au peintre flamand Philippe-Auguste Immenraet(1). La vie de cet élève de Lucas van Uden (1595-1672), au corpus relativement réduit, est encore peu documentée(2). Il est l’un des treize enfants d’un bourgeois d’Anvers facteur de clavecins. Nombre d’entre eux graviteront autour de la guilde de Saint-Luc, par leur union ou par leur activité professionnelle, tels Michel-Ange et Philippe-Auguste. Ce dernier en devient membre en 1654-1655, longtemps après son départ de l’atelier de Van Uden, vers 1647, ce qui laisse supposer une longue période de voyage. Si un séjour en Italie n’est pas attesté, il est cependant plausible, à en juger la lumière méridionale qui baigne la plupart de ses paysages ; Immenraet la maîtrise à un degré supérieur. Provenant de l’arrière-plan à gauche dans notre tableau, à une hauteur qui désigne un moment proche du crépuscule (sans que l’on puisse déterminer si c’est celui du jour ou de la nuit), cette lumière fait ressortir les troncs à contrejour à gauche, accusant leur masse et l’effet de saillie ; elle pénètre à travers le bouquet d’arbres à droite, instaurant une profondeur qui captive d’autant plus le spectateur qu’il est de plain-pied avec la scène. Le peintre ménage avec talent le contraste entre le lointain lumineux, agrémenté de ruines antiques inspiré du site de Tivoli, et l’ombre enveloppante de l’orée de la forêt.

 

Le groupe qui anime le paysage est un autre indice de la culture italianisante de l’artiste ; dans la plupart de ses peintures, bergers et animaux dérivent de l’oeuvre de Nicolaes Berchem, inspirateur plus prégnant que ne le fut son propre maître. La collaboration d’Immenraet avec des peintres de figure, selon un usage assez répandu dans ce genre, a été relevée, notamment avec Charles-Emmanuel Biset (1633-après 1686) ou Pieter Gysels (1621-1690)(3). Mais dans ces exemples connus d’oeuvres à quatre mains, l’action constitue l’intérêt premier du tableau – qu’elle soit historique ou particulièrement développée –, et il n’est pas évident que les figures d’agrément de notre composition aient été hors de portée des compétences du peintre de paysage.

 

L’influence de Jacques d’Arthois sur le peintre a par ailleurs été signalée dans le traitement des arbres(4), mais Immenraet les a déployés dans le cas présent avec un sens éminemment décoratif qui n’appartient qu’à lui. Le parallélisme des troncs incurvés, l’animation introduite par les détails de lierres s’enroulant autour des troncs, par les branches entrecroisées et par le parterre d’acanthes vivaces témoignent d’une invention heureuse.

 

Apport important au catalogue de l’artiste, notre paysage peut être daté par comparaison avec celui, très proche, de 1666, appartenant au musée de Strasbourg (déposé au musée des Beaux-Arts de Poitiers) de la même décennie ou du début des années 1670.

 

(M.K.)

 

 

1. Nous devons cette attribution à Ellis Dullaart, du RKD. Nous la remercions vivement pour l’aide qu’elle nous a apportée dans la rédaction de cette notice.
2. Marie-Elizabeth de Séjournet lui a consacré un mémoire universitaire resté inédit, La Vie et l’oeuvre de Philippe-Auguste Immenraet (1627-1679), Université catholique de Louvain, 1994, ainsi qu’un article, « Un peintre flamand méconnu : Philippe-Auguste Immenraet (1627-1679) », Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, XXVIII, 1995, p. 53-61.
3. La collaboration avec Biset est relevée par M.-E. de Séjournet ; celle avec Gysels est attestée dans un tableau passé en vente à Paris, Élégante avec sa compagnie dans un parc après la chasse, étude Boscher-Studer-Fromentin, 24 novembre 2000, n° 11.
4. Voir la notice de Joël Hubrecht dans Collection du musée des Beaux-Arts. Peinture flamande et hollandaise. XVe-XVIIIe siècle, Strasbourg,

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