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(Francfort, 1743-Id., 1820)
Sainte Famille avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, 1785
Pastel sur parchemin
37 ´ 48 cm
Signé et daté en haut à gauche : AJ Chandelle ft 1785
En 1780, Andreas Joseph Chandelle a 37 ans et déjà l’amateur Heinrich Sebastian Hüsgen écrivait : « Tout en étant officier des postes impériales en ce même lieu [Stuttgart], il [A. J. Chandelle] s’exerce à la peinture au pastel pour son seul plaisir ; il passa son enfance dans la demeure familiale auprès d’un oncle qui était en possession de belles peintures à l’huile qu’il eut pour seules leçons, et qu’il met désormais en pratique au pastel, si bien qu’il donne la plus parfaite ressemblance à ses portraits, mais encore possède-t-il un coloris si puissant, qu’il rivalise avec les œuvres des grands maîtres. […] Il copie aussi avec beaucoup de succès architecture, bétail et natures mortes de fruits, joyeuses compagnies de paysans et paysages d’après Schütz[1] et d’après différents maîtres des Pays-Bas, et prouve de sa main talentueuse ce que seul le pastel permet de réaliser[2]. »
Issu d’une famille catholique de marchands de vin, Chandelle travaille pour les services de poste de la maison des Thurn und Taxis à partir de 1762. En parallèle à cette activité, il pratique donc le dessin au pastel et constitue une collection de tableaux de maîtres, hollandais et allemands principalement, mais non exclusivement[3]. Elle atteindra 296 numéros à la dispersion de la collection aux enchères en 1820[4]. Signe de reconnaissance de sa carrière dans le monde des arts sinon de son statut d’artiste – qu’il revendique puisqu’il est cité ainsi au sein de la société du musée de Stuttgart en 1808 – Chandelle est nommé responsable des collections sécularisées de l’église dominicaine de Stuttgart en 1809 par Karl Theodor von Dalberg, aux côtés du peintre Johann Georg Schütz[5].
À en croire les chroniqueurs tels Hüsgen, puis, plus tard, Friedrich Philipp Gwinner, Chandelle se forme en autodidacte. Il enseignera lui-même l’art du pastel à sa fille, Dorothea Chandelle (1784-1866). Il choisit volontiers pour sujet son entourage et dessine un certain nombre de portraits, mais copie aussi d’après les maîtres, ainsi que le rapporte Hüsgen. Gwinner ajoute même que de nombreux tableaux de sa collection personnelle, une collection bien « choisie », ont été traduits en pastel[6]. C’est le cas de deux œuvres réapparues en 1988, un Chanteur jouant du luth et son pendant une Chanteuse jouant de la guitare, d’après deux huiles sur toile respectivement de Hendrick Ter Brugghen et de Jan Gerritsz van Bronkhorst[7].
Il est ainsi fort probable que la Sainte Famille avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste copie elle aussi un tableau de la collection Chandelle. Elle rappelle l’art des caravagesques du Nord, de l’École d’Utrecht, et en particulier la manière de Matthias Stomer (c. 1600-1650). De son art de la lumière résulte un modelé des chairs très subtil. Chandelle le traduit avec brio au pastel. En témoigne le visage de sainte Anne, un portrait presque vériste, d’une intensité d’expression similaire à celle de la Vieille Femme en prière conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (ill. 1)[8].
Le nombre de pastels de la main de Chandelle, pour une grande part sur parchemin, s’élève au moins à 112 numéros soit autant de lots vendus après la mort de sa veuve en 1833[9]. On en connaît aujourd’hui une quarantaine, tant en mains privées que dans des musées.
Marianne Paunet
[1] Le peintre Johann Georg Schütz (1755-1813).
[2] Hüsgen, Heinrich Sebastian, Nachrichten von Frankfurter Künstlern und Kunst-Sachen…, Francfort-sur-le-Main, [s.n.], 1780, p. 204-205 : « Daben daß er hieselbsten Kanserlicher Post-Officier ist, so treibt er das Pastell-Mahlen nur zu seinem Vergnügen; er war von Jugend auf, ben einem Oheim im Hause, der schöne Oehl-Gemählde in Besiß hatte, die sein einziger Unterricht waren, und er hat es nun soweit in Pastell gebracht, daß er die vollkommenste Gleichheit // nicht alleine in seine Portrait anbringt, sondern auch ein solches kräftiges Colorit besißt, daß den Bildnissen der grosen Meister wenig Vorzüge übrig bleiben. […] Architectur, Vieh und Früchten Stücke, lustige Bauern Gesellschaften und Landschaften nach Schüß und nach verschiedenen Niederlandischen Meistern ahmt er ebenfalls mit grossem Benfall nach, und beweiset durch seine geschickte Hand was in Pastell nur möglich zu machen ist. ».
[3] Il acquiert par exemple en 1782 Léda et le cygne par Guido Reni, puis en 1784 une Tête de vieillard par un « bon maître des Pays-Bas », dans deux ventes anonymes de Stuttgart (Source : Getty Provenance Index Database).
[4] Versteigerung einer vorzüglichen Gemaäldesammlung welche nach Anzweigen in öffentlichen Blättern im Junghof Lit E No 44 in Frankfurt den 21. August 1820, Institut für Stadtgeschichte Frankfurt, Nachlassakte [acte de succession] NA 3492 1832 Anna Rosina Chandelle.
[5] Pour une biographie plus complète d’Andreas Joseph Chandelle, ainsi qu’un catalogue de son œuvre, voir Hohm, Andreas, « Andreas Joseph Chandelle (1743-1820), Leben und Werk », Kunst in Hessen und am Mittelrhein, Neue Folge 9, 2016, p. 69-87.
[6] Gwinner, Friedrich Philipp, Kunst und Künstler in Frankfurt am Main…, Francfort-sur-le-Main, Éditions Joseph Baer, 1862, p. 388.
[7] Jeffares, Neil, « Andreas Joseph Chandelle », Dictionary of pastellists before 1800, Londres, Unicorn Press, 2006 ; édition en ligne [http://www.pastellists.com/articles/chandelle.pdf], accessed/update 26-02-2018, n°J.2174.135 et J.2174.136, repr. ; Hohm, Andreas, op. cit., n°36 et 37, p. 83-84. Les deux pastels sont signés et datés « A. J. Chandelle f. 1780 ».
[8] Matthias Stom, Vieille Femme en prière, New York, Metropolitan Museum of Art, Inv. 1981.25.
[9] Verzeichnis einer vorzüglichen Sammlung von Oel- und Pastellgemälden welche nebst mehreren Kunstgegenständen, Kupferstichen und Zeichnungen, Montag, den 3. Juni 1833 in Frankfurt a. M. im Junghof Lit E No 44 versteigert werden. Francfort, Archiv Städel Museum.
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