Son oeuvre s’élève à près de cinq mille oeuvres. Il a exposé à Berlin, à Dresde, à Vienne, à Rome, à Copenhague, à Chicago, à Washington, et la notoriété d’Oskar Bergman ne s’est pourtant guère étendue au-delà des frontières de son pays. C’est qu’il a manqué à l’artiste, humble et autodidacte, une stratégie ambitieuse : pas de tableau fondateur de sa renommée, pas de grands formats qui pussent servir de colonne vertébrale à l’ensemble, peu de peintures et beaucoup d’aquarelles. Sa carrière, par ailleurs, est sans relief particulier2.

Adolescent, malgré un don précoce pour le dessin, ce fils d’artisan multiplie les petits métiers tout en prenant le soir des cours techniques de peinture et d’architecture intérieure. Il copie au Musée national les maîtres du paysage romantique suédois, tel Marcus Larsson. La rencontre avec le banquier et mécène Ernest Thiel au début des années 1900 est l’événement qui transforme ses premiers tâtonnements en carrière. Il intègre la résidence d’artistes que Thiel a créée près de Stockholm en 1899. Si la vie de bohème des pensionnaires et le manque de direction ont conduit à la fermeture de l’établissement en 1905, Bergman y a trouvé une alternative au cursus académique qu’il rejette, et dans son fondateur un client fidèle. En 1905 il voyage à Copenhague, Berlin, Munich, Vérone et Florence. Après ces débuts son itinéraire est comparable à celui d’un aquarelliste anglais du XIXe siècle, artisan poète du paysage autant qu’artiste d’exposition (il participa à une quarantaine de salons), produisant beaucoup par nécessité et tirant de modiques ressources de son art. Bergman s’enorgueillit d’ailleurs de son statut d’artiste populaire, car ses oeuvres n’entrent pas seulement dans les cabinets d’amateurs, vendues pour quelques dizaines de couronnes dans les temps d’infortune, elles ornent les foyers modestes des anonymes.

Son langage poétique emprunte à des sources multiples : aux dessins de Dürer qu’il a étudiés dans sa jeunesse, leur hyper-précision ; aux peintres toscans du Quattrocento, leurs perspectives archaïques et idéalisées, rythmées de fûts d’arbres élancés ; aux estampes japonaises, leur stylisation calligraphique ; à Friedrich, enfin, son « oeil intérieur ». Car, en dépit d’une apparente naïveté, son art est empreint d’une forte spiritualité. En synthétisant toutes ces influences, Bergman invente un paysage « parlant » dont la stylisation iconique a à voir avec le symbolisme, et dont l’arbre est le signe le plus récurrent. Ce motif se décline en un nombre restreint d’essences caractéristiques de la Scandinavie – bouleau, sapin, chêne, saule – et se conjugue aux saisons pour en traduire la poésie cosmologique.

Dressant le portrait d’un lieu du comté d’Uppsala au cours de sa métamorphose saisonnière, Début de printemps à Ersta appartient à la veine naturaliste de Bergman. Sa virtuosité réside dans son aptitude à rendre par des moyens simples, mais avec force détails, la limpidité optique de la vision sous le jour cru d’une fin d’hiver ensoleillé. Elle se caractérise par l’art de ménager un fort effet de réalisme – les ombres et les reflets de l’azur sur la neige et les flaques d’eau y contribuent efficacement –, sans diminuer l’éloquence et la vigueur du style. (M.K.)

 

 

 

2. La bibliographie sur l’artiste est en langue suédoise, voir Otto G. Carlsund, Oskar Bergman, Stockholm, 1940, et Martin Strömberg, Oskar Bergman, Stockholm, 1976.

 

 

 

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