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(Dijon, 1805 – Paris, 1856)
Femme mettant ses boucles d’oreille, vers 1841
Huile sur toile
128 x 75 cm
Provenance
? Collection d’un ambassadeur jusqu’en 2018.
Bibliographie du tableau du Salon de 1841
– Wilhelm Ténint, « Salon de 1841 », La France littéraire, V, 4 avril 1841, p. 137.
– Anonyme, « Salon de 1841 », L’Artiste, journal de la littérature et des beaux-arts, 2e série, VII, 1841, p. 249.
– Anonyme, « École royale des beaux-arts. Envois des pensionnaires de Rome », Journal des artistes, n° 17, 21 octobre 1838, p. 238.
– Alphonse Karr, Les Guêpes, 2e série, nouvelle éd. Paris, 1858, p. 255.
– Fraçois Fossier (éd.), Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome. Nouvelle série, XIXe siècle, VI : Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1835-1841, Société de l’Histoire de l’Art français / Académie de France à Rome, 2016, p. 474.
– Béatrice Bouvier et Dominique Massounie (éd.), Procès-verbaux de l’Académie des beaux-arts, VI : 1835-1839, Paris, École des Chartes, 2003, p. 467.
Comme pour la plupart des élèves de l’école des Beaux-Arts du XIXe siècle, la formation de Paul Jourdy fut longue et obscure. Cet élève de Jérôme Langlois et de Guillaume Lethière y entra en 1820 pour n’en sortir qu’en 1834, certes vainqueur du prix de Rome, mais après de nombreux échecs successifs, lesquels résultaient davantage de l’engorgement de l’école et de son concours que d’un manque de compétence. Devenu pensionnaire de la villa Médicis, c’est au contact de son directeur Ingres que Jourdy élabore un style plus personnel. L’obligation d’exécuter des académies en guise d’envois de Rome satisfait par ailleurs son goût manifeste pour la représentation du nu. Contrairement à l’usage traditionnel privilégiant le nu masculin, et encouragé par l’inclination d’Ingres pour la représentation du corps féminin, Jourdy a pris presque systématiquement ses modèles parmi le beau sexe. C’est ainsi qu’il présente en guise d’envoi de 3e année, en 1837, une Femme mettant ses boucles d’oreille.
Si l’œuvre est aujourd’hui non localisée, notre réplique réduite, identifiée grâce à un modello conservé au musée Ingres de Montauban (ill. 1), permet d’en apprécier les mérites. Se détournant de l’iconographie classique qui préside à cet exercice, Jourdy a représenté une femme moderne s’apprêtant à se vêtir : la robe ainsi qu’un rang de perles sont étendus sur le lit, et leur proximité tactile augmente l’intimité avec le modèle. Dans l’intérieur dépourvu de tout ornement, rien n’en distrait la vue. L’anatomie est traitée dans la plus pure esthétique ingresque : les volumes sont simplifiés, les carnations parfaitement fondues, les courbes exaltées, et si l’étroitesse de la taille ne respecte pas le canon classique, c’est que le peintre n’a rien dissimilé de la déformation imposée au corps par l’usage du corset. Ce qui n’a pas empêché les académiciens de donner leur assentiment au morceau du pensionnaire : « Sa figure est d’un bon goût de dessin, la pose en est gracieuse et simple, les chairs sont bien modelées ». Les juges ne lui reprochèrent que le coloris « dont les teintes sont lourdes et violacées », défaut que l’artiste a corrigé dans la présente version.
Exposée au Salon de 1841, la Femme mettant ses boucles d’oreille y fut généralement appréciée : « Le ton en est peut-être un peu brun, mais la pose est gracieuse, le dessin fin, élégant et correct ; et c’est plus qu’une étude, car la forme est pleine de volupté, et la physionomie de caractère », selon le critique de L’Artiste. Si le tableau de grandeur naturelle n’est plus localisé depuis son acquisition par le roi de Hollande Guillaume Ier à l’issu du Salon, sa réplique réduite montre qu’il s’agit d’un des plus beaux nus féminins de l’école d’Ingres, anticipant même ceux du même genre peints par le maître, tels la Vénus anadyomène (1808-1848, Chantilly, musée Condé) et La Source (ill. 2).
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