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(Bruges, 1743 – Rome, 1807)
Saint Sébastien, 1774
Plume, encre brune, lavis brun et rehauts de gouache blanche sur papier beige
41,5 x 26 cm
Signé et daté en bas à gauche : J. B. Suvée f.1774.
Provenance
– Peut-être vente après décès de l’artiste, Paris, 4-7 novembre 1807, partie du lot 71 (parmi les dix dessins du lot figure un Saint Sébastien). – Vente à Marseille, Leclère, 29 juin 2013, lot 8. – Paris, galerie De Bayser. – Colmar, collection particulière.
Bibliographie
– Sophie Join-Lambert et Anne Leclair, Joseph-Benoît Suvée 1743-1807, Paris, Arthena, 2017, cat. D. 235, p. 317, repr.
Suvée est l’un des peintres du renouveau de la peinture d’histoire initié, sous le règne de Louis XVI, par les efforts conjoints d’Angiviller, directeur des Bâtiments du roi, et de Pierre, son premier peintre. Né à Bruges dans une famille bourgeoise proche du milieu clérical, Suvée se forme dès l’âge de huit ans auprès de l’Académie locale avant de gagner Paris, en 1763. D’abord accueilli par le peintre Jacques Philippe Joseph de Saint-Quentin, il entre rapidement dans l’atelier de Jean-Jacques Bachelier avec lequel il se lie étroitement. Bachelier l’héberge et lui procure une place de professeur dans l’École gratuite de dessin qu’il ouvre en 1766. Afin d’être admis à concourir pour le prix de Rome, réservé aux seuls Français, le Flamand se déclare né à Armentières. Après deux échecs en 1768 et 1769, ses efforts sont couronnés de succès en 1771 avec son morceau sur le sujet du Combat de Mars contre Minerve (Lille, palais des Beaux-Arts), aux dépens de David, classé second. Cette victoire est la première cause de l’hostilité que va lui vouer toute sa vie le futur peintre des Horaces. Le long séjour romain de Suvée (1772-1778) est une période particulièrement féconde au cours de laquelle, en plus des travaux réglementaires qu’il accomplit, il exécute une importante série de tableaux religieux commandée pour la chapelle Notre-Dame-de-Thuyne à Ypres. C’est aussi à Rome que Suvée développe sa pratique du dessin, au travers de l’étude d’après le modèle, et plus encore dans ses paysages à la sanguine ou à la pierre noire, considérés comme des sommets du genre. Les années qui suivent son retour de Rome sont celles de la reconnaissance officielle. Se faisant agréer dès 1779, il participe dès lors au Salon avec des commandes royales dont le style sévère n’est pas toujours apprécié de la critique, mais qui en font un artiste incontournable. Sa modération dans la crise académique que provoque la Révolution de 1789 lui vaut d’être élu, en 1792, directeur de l’Académie de France à Rome. Fort de sa grandissante autorité, David pèse de tout son poids à la Convention pour réduire à néant le rôle de son rival, en faisant supprimer son poste. On devine de nouveau son influence lors de l’arrestation de Suvée pour une supposée « conspiration royaliste » en 1794. Thermidor mettra fin à deux mois d’incarcération à Saint-Lazare, au cours desquels le peintre fait le portrait de compagnons d’infortune condamnés à mort. Confirmé dans ses fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome en 1796, il met son oeuvre en suspens pour mieux préparer le rétablissement de l’institution, et s’attache à aménager la villa Médicis, acquise en 1801, en palais voué à l’étude des arts. Mais son directorat est assombri par la mort de trois pensionnaires (le compositeur Androt, les peintres Gaudar de La Verdine et Harriet) et par l’influence délétère que fait peser sur la communauté sa liaison avec la jeune artiste Barbara Bansi. Le vertueux Suvée meurt de voir son autorité contestée, terrassé par une attaque d’apoplexie au cours d’une altercation avec deux élèves1.
Daté de 1774, le dessin de Saint Sébastien est un exemple d’application de l’étude des grands maîtres à laquelle Suvée se consacre depuis deux années. Toutefois, parmi les modèles présentant le saint attaché à un arbre tortueux, les deux mains séparées, les plus proches ne sont pas conservés à Rome : l’analogie avec le tableau de Ludovic Carrache aujourd'hui à la Fondazione Pomarici-Santomasi à Bari, n’est pas dénuée de sens (ill. 1) ; le rapprochement avec la sculpture de Puget (ill. 2) est plus parlant encore, comme l’ont bien signalé Sophie Join-Lambert et Anne Leclair. La posture en torsion et instable, reposant en partie sur le bouclier, ainsi que l’expression extatique, les yeux tournés vers le ciel, sont très proches. Ce parti baroque surprend d’autant plus de la part du sage Suvée, l’usage contrasté du lavis lui étant d’ailleurs peu familier. Un tel luminisme est totalement oublié au moment de peindre, trois ans plus tard, un Saint Sébastien en guise d’envoi de Rome, l’exigence de vérité dans la traduction du modèle ne pouvant s’accommoder d’effets sensationnels. La feuille de 1774 est le lieu d’une expérimentation qui ne connaîtra pas de suite. (M.K.)
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