Claudius Jacquand

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  Ill. 1 : Augustin Alexandre Thierriat, Soldat montant la garde, baïonnette au canon, à l'entrée d'un couloir conduisant aux salles militaires de l'hôtel-Dieu, 1822, huile sur toile, 45 x 33 cm, Musée des Hospices civils de Lyon.

Fils d’un petit industriel du cirage, Claudius Jacquand se forme auprès de Fleury Richard à l’École des beaux-arts de Lyon où il obtient une médaille d’argent en 18211. L’année suivante, il participe pour la première fois à l’exposition lyonnaise de peinture. C’est précisément en 1822 qu’il réalise la Vue du cloître du palais Saint-Pierre, seule oeuvre de jeunesse parvenue jusqu’à nous. Toutes les scènes de genre qui caractérisent les débuts de sa carrière, dépeignant l’enfance, la misère ou la maladie, ont en effet disparu, à l’image du Petit Savoyard malade (1822), ou, sans doute plus
proches de notre tableau, de l’Intérieur avec des soeurs de l’hospice (1823) et de la Jeune fille soignée par les religieuses de l’hôpital de Lyon (1824).

Notre tableau présente lui aussi une soeur hospitalière de Lyon, portant un regard attendri sur un militaire blessé dont le pied droit est maintenu par une attelle. La canne posée contre le mur, il est assis sur une chaise dépaillée et porte à ses lèvres un pot désaltérant. Comme le Militaire blessé racontant ses campagnes du Lyonnais Jean-Marie Jacomin (1789-1858), également daté de 18222, il est couvert d’une capote à col droit et coiffé d’un bonnet de police à pompons rouges. À l’arrière-plan, presque indiscernables sous le feuillage foisonnant de la cour, d’autres patients se reposent, assis ou allongés sur un banc.

Pourtant, plus que les personnages, c’est l’architecture qui prévaut ici. La scène prend place sous une arcade de l’aile nord du cloître de l’ancienne abbaye de Saint-Pierre-les-Nonnains de Lyon. Si chaque élément du tableau est représenté avec exactitude – la tour carrée, les ouvertures des fenêtres, la clé de voûte, la niche aujourd’hui occupée par un moulage –, la scène n’en est pas moins imaginaire. Le peintre triche avec la réalité : la tour carrée du palais n’est en fait pas visible depuis le point de vue du spectateur ; la présence d’une pierre tombale, dont on devine l’inscription dans l’ombre, au premier plan, n’est pas attestée ; surtout, le lieu ne fut jamais occupé par un hôpital militaire comme le suggère la scène. Il est peu probable que des invalides de l’hôtel-Dieu aient été en mesure de se déplacer jusqu’au palais Saint-Pierre pour une promenade, et c’est donc à une scène de composition, comme Richard en avait proposé, que nous avons affaire. Le sujet a d’ailleurs trompé l’auteur de l’étiquette ancienne collée sur le châssis du tableau, qui situe l’action dans un « intérieur de cour de l’hôpital de la Charité ».

Un parallèle troublant peut être établi avec la toile d’Augustin Alexandre Thierriat (1789-1870) conservée au musée des Hospices Civils de Lyon (ill. 1). Ancien élève de Révoil et Grognard, pas encorenommé professeur à l’École des beaux-arts de Lyon, il peint en 1821, presque concomitamment à Jacquand, une scène montrant un soldat et une religieuse, pareillement localisée à tort dans une cour de l’hôtel-Dieu lyonnais. La proximité des sujets témoigne certainement d’échanges entre les deux artistes, amenés à fréquenter régulièrement le palais Saint-Pierre qui abritait le musée depuis 1803 et l’École des beaux-arts depuis 1807.

Le cadrage resserré qui monumentalise l’ensemble, la facture minutieuse, la lumière dorée qui enveloppe les deux personnages – son orientation situe la scène le matin –, placent l’oeuvre dans la droite ligne des réalisations de Richard. Jacquand, qui délaissera dès 1827 les scènes de genre pour les tableaux d’histoire, n’en restera pas moins influencé tout au long de sa carrière par son maître. (Robert Blaizeau)

1. Dominique Richard, Biographie et catalogue raisonné de l’oeuvre peint de Claudius Jacquand, mémoire de maîtrise en histoire de l’art, Université de Lyon II, 1979.
2. Conservé au musée de la vie bourguignonne Perrin de Puycousin à Dijon, huile sur toile, 94 x 75 cm, inv. 2004.7.1.1.