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Attiré dans sa jeunesse par le bouillonnement des idées révolutionnaires et mû par un tempérament insoumis, Hennequin connaît un début de carrière pour le moins tourmenté. Après une formation à l’École de dessin de Lyon sous la direction de Donatien Nonotte et d’Eberhard Cogell, il rejoint l’atelier que David vient d’ouvrir à Paris à la fin de 1780, mais il en est chassé l’année suivante à la suite d’un vol de couleurs dénoncé par son condisciple Wicar. À Rome de 1784 à 1789, il est poursuivi par la police papale en raison de ses activités maçonniques, aggravées par ses contacts avec le sulfureux comte de Cagliostro. Réfugié à Lyon, il participe activement à la Révolution aux côtés des Jacobins, mais doit fuir la Terreur blanche après le 9 thermidor. De retour à Paris en 1796, il est condamné à la prison à vie pour son implication dans la tentative de soulèvement du Camp de Grenelle, dernier épisode de la Conjuration des Égaux visant à renverser le Directoire, puis est relaxé en février 1797. En 1799, il remporte un succès d’estime plus politique que public au Salon avec une allégorie monumentale du Dix août, célébrant la chute de la monarchie (détruite en 1820 ; fragments aux musées d’Angers, Caen, Le Mans, Rouen), financée par le gouvernement néojacobin et distinguée par un premier prix de l’Institut. La critique réserve un accueil plus favorable à ses Remords d’Oreste au Salon de 1800, composition énergique de grande envergure figurant Oreste poursuivi par les Furies après le meurtre de Clytemnestre (Paris, musée du Louvre), représentative du romantisme des classiques. Mais Hennequin n’est pas de taille à soutenir à long terme la concurrence des premiers peintres de l’Empire, plus virtuoses dans la peinture d’apparat dont a besoin le régime. Lourdement endetté, il quitte la France à la fin de l’année 1806, passe en Italie après avoir fait étape à Lyon, puis trouve refuge en Hollande où Louis Bonaparte tente de lui obtenir quelques commandes. Les inondations qui frappent Gorcum en janvier 1809 auraient alors conduit les échevins de la ville d’Amsterdam à lui passer commande d’un tableau sur ce sujet. Mais le projet ne connaît pas de suite et Hennequin se rend en Belgique la même année, peinant à vivre de son art jusqu’à ce qu’il s’établisse à Tournai, en 18211.

Dans les temps difficiles, lorsque les commandes font défaut et que le peintre peine à donner forme à ses idées, la pratique du portrait est toujours un moyen sûr de se procurer quelque ressource. Hennequin montre d’ailleurs dans ce genre des qualités dont ses tableaux d’histoire sont exempts, telles la finesse d’exécution, l’acuité psychologique et une plus grande aptitude dans l’imitation de la nature. L’intimité avec le modèle qu’il parvient à créer y est par ailleurs plus sensible que chez nombre de ses contemporains. Cumulant toutes ces qualités, notre portrait d’homme barbu, nouvel ajout au corpus peint de l’artiste, s’en distingue par son costume : il est le seul portrait d’Hennequin aujourd’hui connu à représenter son modèle à l’antique. La comparaison de sa physionomie avec celle de son autoportrait tardif explique cette singularité, car quoique le bas du visage soit dissimulé, tous les traits en sont identiques – contour de la tête, forme du nez et des arcades sourcilières. La différence d’âge avec l’autoportrait daté vers 1825 permet de situer celui-ci entre 1800 et 1810. La barbe et le drapé montrent que l’artiste qui lutte sans cesse contre l’adversité y fait face en philosophe. (M.K.)

 

 

 

 

1. Voir Jérémie Benoit, Philippe-Auguste Hennequin (1762-1833), Paris, Arthena, 1994.

 

 

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