Le talent particulier de cet artiste de cour lui a assigné la place d’un donneur de modèles de frontispices, gravures d’almanachs, vignettes et ornements. Son invention dans ce genre et son aptitude à traduire les fastes des grands évènements de son temps – entrées triomphales, pompes funèbres, fêtes princières – en font l’un des illustrateurs les plus raffinés du règne du Roi-Soleil. Grâce à la protection du père Ménestrier, il composa en diverses occasions des décors pour les jésuites et fut associé à certaines commandes des Menus Plaisirs du roi. À Lyon, son espoir d’occuper la charge de maîtrepeintre de la ville fut déçu, sans doute en raison de la nature de son talent, excluant la pratique de la peinture d’histoire qui avait distingué les précédents artistes officiels de la ville, tels Horace Le Blanc et Thomas Blanchet. Le Triomphe du Grand Condé montre pourtant qu’à défaut de manier les pinceaux l’artiste fut familier du grand genre et put inventer des compositions à caractère héroïque.

Jeune vainqueur des batailles de Rocroi, de Nördlingen, puis de Lens, Louis II de Bourbon, prince de Condé (1621-1686), est l’un des grands héros militaires du règne de Louis XIV. L’hostilité de Mazarin à son égard le place d’abord dans une position ambivalente, en le conduisant à se retourner contre le camp royal pendant la Fronde. Cet épisode, qui l’amène à s’associer à l’Espagne, ne lui réussit guère, puisqu’il essuie plusieurs échecs militaires sous ce pavillon étranger. Le traité des Pyrénées (1659) lui est néanmoins favorable, le pardon royal lui étant accordé en échange de sa loyauté. Les guerres de Dévolution (1667-1668) et de Hollande (1672-1675) lui donneront l’occasion d’en faire la preuve en s’illustrant contre les armées de Guillaume d’Orange comme de l’Empire germanique.

Comme l’indique la date de 1674, ce sont les derniers succès de Condé que célèbre ce triomphe à la romaine composé par Sevin, sans doute en guise de projet de frontispice comme l’indique l’espace central laissé en réserve en manière de tapisserie déroulée. Il montre son cortège, accompagné des attributs habituels de la victoire – trophées portés sur des pics, prisonniers –, passant sous un arc de triomphe auquel est accroché un portrait en médaillon de Louis XIV. Le style de la composition rappelle que Sevin résida en Italie, de 1666 à 1671, et que toute son oeuvre en conserva durablement l’empreinte. Mais l’ordonnance n’est pas sans rappeler celle du Triomphe d’Alexandre, grande machine peinte par Charles Le Brun dix ans plus tôt (ill. 1), et que Sevin semble avoir voulu imiter en petit.

L’artiste célébrera le Grand Condé mort comme il le fit de son vivant en composant des projets de décor pour ses pompes funèbres, aujourd’hui conservés au musée Carnavalet (Dessin de l’appareil pour l’inhumation de S.A.S. Mr. Louis de Bourbon, Prince de Condé, dans l’Église de la maison professe des Jésuites de Paris) et à la Bibliothèque nationale1. (M.K.)

 

 

 

1. Damien Chantrenne, « Des projets inédits concernant les pompes funèbres du Grand Condé par Pierre Paul Sevin », Histoire de l’art, juin 2004, n° 54, p. 59-72.

 

 

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