Biard mériterait d’occuper une place plus élevée dans le panthéon du romantisme français tant il cumule des caractères de son siècle : aventurier, il a exploré les contrées les plus reculées du globe ; réalisant l’une des aspirations esthétiques du romantisme, son oeuvre prodigieusement variée ignore la hiérarchie des genres ; lorsque sa vie privée l’expose au scandale, c’est parce que sa femme est prise en flagrant délit d’adultère avec Victor Hugo ; enfin, si Baudelaire méprise son art, Musset, Mérimée et Gautier l’apprécient.

Quoique formé à Lyon, où il exposa régulièrement tout au long de sa vie, cet élève éphémère de Révoil et de Richard s’est trop tôt éloigné de l’école lyonnaise pour y être identifié de quelque manière. L’horizon que lui offre sa patrie est en effet trop étroit pour qu’il supporte de s’y cantonner, et, après avoir fait ses premiers pas à Paris au Salon de 1824, il cède à l’appel du large et s’embarque en 1827 sur une corvette d’instruction, La Bayadère, à bord de laquelle il fait le tour du bassin méditerranéen. En 1839, il participe à une expédition qui fait beaucoup pour sa légende, au Spitzberg et en Laponie, dirigée par le naturaliste Paul Gaimard. Léonie d’Aunet, que Biard épouse l’année suivante, en publiera le récit en 1854, et le peintre en tirera les sujets de plusieurs tableaux qui inaugurent la vogue de l’exotisme boréal. Le voyage au Brésil de 1858 à 1860 est sans doute celui dont l’influence est la plus durable. Après y avoir conquis le monde civilisé, en devenant l’ami de l’empereur Pedro II et en fondant une académie à Rio de Janeiro, il explore le monde sauvage, remonte l’Amazonie, et « accomplit des exploits réels ou imaginaires1 ». Atteint de fièvre, il prend congé de l’empereur pour se rendre aux États-Unis, où il approfondit son étude de l’esclavagisme qu’il avait déjà exploré dix ans plus tôt en peignant L’Abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1848 (Versailles, Musée national du château). Toute son oeuvre témoigne d’une invention sans borne, cherchant sans cesse des sujets nouveaux, extraordinaires ou truculents.

Le Bedeau ivre appartient au registre burlesque qui, parallèlement au genre ethnographique, a assuré à Biard sa grande popularité – il « sait que la foule attend chaque année de lui quelque composition drolatique2 », observe un chroniqueur en 1847. La perte du titre originel empêche de comprendre tous les tenants de l’action de cette comédie, mais si l’origine de l’odeur nauséabonde qui fait se boucher le nez aux comparses de l’arrière-plan ne se devine pas, il semble bien que la cause du désordre dans la sacristie soit le bedeau ivre – il est revêtu de la soprana caractéristique et coiffé de la barrette cléricale – que sa chute n’empêche pas de continuer à singer le prêtre donnant son homélie. Dans une autre composition (ill. 1), deuxième acte d’une comédie à épisodes, le prêtre dénonce avec véhémence le péché de son officier inconséquent devant une assemblée de fidèles troublés ou hilares. La variété des expressions et grimaces que la farce permet à Biard de décliner, s’inscrit dans le prolongement des recherches antérieures d’un Louis Léopold Boilly, avec en plus un sens du comique de situation. (M.K.)

 

 

 

1. Selon les termes d’Élisabeth Hardouin-Fugier à qui l’essentiel de cette biographie est emprunté, voir sa notice dans Paysagistes lyonnais, 1800-1900, cat. exp. Lyon, musée des Beaux-Arts, 1984, p. 80-83.
2. A. J. D., «Beaux-Arts. – Salon de 1847. 6e article», L’Illustration, 8 mai 1847, p. 156.

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