Dans la dynastie des Gandolfi, Mauro est l’aventurier1. Quoique peintre et dessinateur comme son père Gaetano et son oncle Ubaldo, c’est par un autre savoir-faire qu’il a prolongé le prestige du nom au XIXe siècle, évitant la comparaison avec ses illustres devanciers quand d’autres héritiers contemporains pouvaient donner l’impression que le génie familial s’épuisait de génération en génération. Son indépendance se manifeste dès l’âge de dix-huit ans, lorsqu’il quitte le foyer familial pour la France avec l’intention de s’enrôler dans l’armée. Détourné de ce projet par les aléas du voyage, il réside alternativement à Strasbourg, Arras, Lyon et Paris, où il vécut en peignant des petits portraits. Revenu après six années d’absence à Bologne, en 1787, il s’affirme comme peintre et devient membre de l’Accademia Clementina en 1794. L’arrivée de Bonaparte à Bologne en juin 1796 va imprimer une autre direction à sa vie. L’artiste francophile et patriote s’engage dans la vie politique de la cité, mais hormis la réalisation d’une Glorification de la République Cispadane, peinte au plafond de la salle des Audiences du palais public de Bologne, la période, qui a vu la suppression des corporations religieuses, n’est guère propice à la pratique de la peinture ; la gravure offre à l’artiste de nouvelles ressources. Ses essais prometteurs dans cet art conduisent l’Istituto delle Scienze e delle Arti de Bologne à envoyer Mauro à Paris en 1801, afin de s’y perfectionner. Il revient en 1806 avec la réputation d’un graveur confirmé et mène une carrière prospère dans le genre de la gravure de reproduction. Mais après la mort de son fils aîné enrôlé dans l’armée napoléonienne sur le front espagnol, à l’âge de dix-huit ans, après que ses deux autres enfants eurent pris leur indépendance, alors qu’il peine à faire face aux dettes d’un divorce, Mauro s’embarque pour les États-Unis avec sa maîtresse en 1816. Le récit de ce voyage de quatre mois a laissé une place significative dans sa biographie2 ; on y apprend notamment qu’il s’offre le luxe de refuser la commande de la gravure de La Déclaration de l’Indépendance par John Trumbull, pour s’épargner l’ennui d’en reproduire les vingt-six figures. De retour en Italie, il poursuit sa carrière entre Florence, Plaisance et Milan (1818-1823), pour revenir se fixer à Bologne. La fin de son existence intranquille est marquée par l’amertume et la paranoïa ; il meurt en 1834, un an après avoir raconté sa vie dans une autobiographie publiée de manière confidentielle par l’éditeur Vallardi de Milan, en 1841, sous le titre Non ti scordar di me (Ne m’oublie pas).

L’assimilation de l’art de la gravure au pointillé, dans laquelle excelle en particulier son compatriote Francesco Bartolozzi au tournant des années 1800, a conduit Mauro à développer parallèlement une production de dessins très finis, touchés à l’encre grise de la pointe du pinceau, comme de grandes miniatures en grisaille légèrement rehaussées de couleurs. La technique transposant l’esthétique des gravures à la mode est mise au service d’une invention sentimentale répondant au goût des contemporains : ainsi Mauro invente-t-il une Sainte Famille de roman, en costume de promenade selon la mode parisienne, traversant quelque contrée inhospitalière sous un ciel chargé de nuages. Cerclé d’un cadre en bronze finement ciselé, ce tondo  est la version précieuse de La Pellegrina, composition très proche gravée au pointillé pour le marché. (M.K.)

 

 

 

1. Voir Prisco Bagni, I Gandolfi. Affreschi, dipinti, bozzetti, disegni, Nuova Alfa, 1992, p. 468-473, et Mimi Cazort, « The Gandolfi : An Introduction », dans Bella Pittura. The Art of the Gandolfi, cat. exp. Ottawa, Little Rock, 1993, p. 19-20.
2. Le manuscrit appartient aux collections de la Cassa di Risparmio di Bologna.

 

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