Né dans une famille protestante d’ascendance auvergnate et orléanaise établie à Tours, Claude Vignon évolue dans l’orbite de la cour, au travers de son père, valet de chambre du roi et fournisseur d’argenterie de la cour. Il a pour premier maître Jacob Bunel, avant de se retrouver à Rome vers 1609-1610. Avec Vouet, Valentin, Régnier, Mellin, l’adolescent connaît l’âge d’or de la bohème caravagesque, quand, après la mort précoce de Merisi, tous les collectionneurs romains veulent des tableaux peints dans sa manière et patronnent les jeunes talents fraîchement débarqués dans la Ville éternelle et susceptibles de les satisfaire : les cardinaux del Monte et Ludovisi, le marquis Vincenzo Giustiniani, la famille Barberini sont parmi les commanditaires du jeune Vignon. Sa conversion au catholicisme est une formalité qui a aussi facilité ce succès. Au cours de cette période, le peintre contracte des protections qui le serviront durablement, comme celle de Ludovisi, grand soutien des Jésuites, qui lui vaudra de recevoir à son retour en France de nombreuses commandes de cette congrégation, à Clermont, à Orléans, à La Flèche, à Limoges et à Paris.


D’une nature indépendante et téméraire, il n’hésite pas à prendre les routes peu sûres du midi pour se rendre en Espagne, entre 1620 et 1623, rencontrant à Barcelone une circonstance qui contribuera à sa légende d’aventurier : une large blessure reçue au visage dans une échauffourée avec « huit assassins » est miraculeusement guérie en trois jours. De retour à Paris en 1623, il se distingue sur l’échiquier artistique de la capitale par la singularité de son style, associant le ténébrisme caravagesque à une sophistication formelle et chromatique héritée des maniéristes flamands et lorrains. La rapidité d’exécution qui le caractérise, et qui fait son orgueil – le peintre ne recule devant aucune performance –, s’accorde à la nécessité de produire abondamment pour nourrir sa nombreuse progéniture : de ses deux mariages naîtront trente-quatre enfants. D’où une oeuvre pléthorique, qui n’a d’ailleurs pas fini de s’accroître, pleine de feu et de truculence, mais n’évitant pas les écueils : « qui peut nier l’impression de lourdeur, de fatigue, se dégageant du Saint Guillaume d’Aquitaine de 1649(1) » (fig. 1), observait par exemple Paola Pacht Bassani. La composition de ce tableau n’est en effet que le montage artificiel de deux scènes qui, n’ayant aucun rapport entre elles, ne gagnent rien à être juxtaposées – mais cette combinaison, il est vrai, avait pu résulter de la demande du commanditaire.


Modèle ou dérivation, notre Saint Guillaume d’Aquitaine est une version heureuse du tableau de 1649. Isolé dans un ovale, débarrassé des larmes trop visibles qui rendaient sa figure pathétique grimaçante, le saint retrouve un prestige iconique. Le format, qui joue avec les courbes (auréole, casque, épaules, mains), et le coloris noir et or concourent à l’harmonie de l’image.


Modelée par les touches caressantes du pinceau, dont le coloris fait vibrer la chair, l’expression rêveuse laisse percer l’empathie du peintre pour ce saint picaresque ami de Charlemagne, qui tint tête au diable près de son monastère de Gellone, après avoir pris l’épée contre les Sarrasins. (M.K.)


 

1. Paola Pacht Bassani, Claude Vignon, 1593-1670, Paris, Arthéna, 1992, p. 86.

 

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ill. 1. Claude Vignon, Scène de la vie de saint Guillaume d’Aquitaine, 1649. Huile sur toile, 86,4 x 116,2 cm. Collection particulière.

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Sélection de livres sur Claude Vignon disponibles à la librairie Michel Descours :

Paola Pacht Bassani, Claude Vignon 1593 - 1670, Paris, Arthéna, 1992

 

 

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