Une mort précoce a empêché Juan Manchola de prendre une place significative dans l’histoire de la peinture de son pays. Il fut l’un des jeunes espoirs de la première génération d’artistes formés par Pelegrín Clavé (1811-1880) à l’Académie de San Carlos, à Mexico. Ce maître d’origine catalane, formé à Rome auprès de Pietro Tenerani et Tommaso Minardi, initié par ce dernier à l’art des Nazaréens, puis à la peinture française contemporaine par un voyage dans l’Hexagone, avait été invité à diriger l’académie mexicaine en 1846. Manchola y fit un cursus honorable, fut distingué d’un premier prix dans la classe du modèle en 1850 et obtint une bourse, sans parvenir à obtenir celle de Rome, tant convoitée, qui échut à son camarade Santiago Rebull (1829-1902) – on doit à ce dernier le seul portrait connu du peintre1. Manchola fit une courte carrière de professeur de dessin d’ornement pour le cours préparatoire d’architecture, de 1856 à sa mort en 1861, fonction qui ne fut rien de plus qu’alimentaire au regard de son ambition de peintre d’histoire dont témoignent ses rares oeuvres aujourd’hui connues. Produit de l’implantation du standard académique international sur le continent américain, Manchola dut avoir accès à la création européenne contemporaine par le biais de la gravure, comme tend à le suggérer Moïse abandonné sur le Nil présenté à l’exposition de l’Académie de San Carlos en 1858. L’année est en effet celle de l’édition, par la Maison Goupil, d’une gravure d’Henriquel-Dupont d’après Moïse exposé sur le Nil peint par Paul Delaroche en 1853, aujourd’hui disparu, ainsi que de sa reproduction photographique par Robert Bingham2. Sans en proposer de citation littérale, l’analogie de la partie droite du tableau de Manchola avec la composition du peintre français est assez forte pour autoriser à voir dans cette dernière une source d’inspiration, et, partant, une preuve de la renommée universelle de Delaroche, de tous les peintres contemporains celui qui a su mettre au point la stratégie d’autopromotion la plus performante, grâce à sa collaboration avec Goupil. Mais plutôt qu’une représentation fragmentaire, passive et elliptique de l’histoire comme l’est celle de Delaroche, calculée pour séduire le spectateur, le peintre mexicain propose une interprétation plus littérale du célèbre passage de l’Exode. (M.K.)

 

 

 

 

 

1. Voir la notice d’Esther Acevedo dans Catálogo comentado del acervo del Museo Nacional de Arte. Pintura. Siglo XIX. Tomo II, Mexico, 2009,
p. 239-242.
2. Voir Claude Allemand-Cosneau et Isabelle Julia (dir.), Paul Delaroche. Un peintre dans l’Histoire, cat. exp. Nantes, musée des Beaux-Arts ; Montpellier, pavillon du musée Fabre, p. 215 et 227.

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