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(Paris, 1748 – Bruxelles, 1825)
Le Vieil Horace défendant son fils, 1782
Plume et encre noire sur traits de pierre noire
23 x 34,5 cm
Inscription par Debret en bas à gauche, à l’encre brune : certifié de L. David, et / donné à L. Ducis, en souvenir / de leur amitié de jeunesse et d'études pittoresques en France… JB Debret
Provenance
Ancienne collection Jean-Baptiste Debret (1768-1848), élève de David ; donné par ce dernier à Louis Ducis (1775-1847), son ami et ancien condisciple dans l’atelier de David.
Bibliographie
– Alexandre Péron, Examen du tableau du « Serment des Horaces » peint par David, suivi d’une notice historique du tableau, Paris, 1839, p. 28, lithographie repr. face p. 36.
– Philippe Bordes, « Dessins perdus de David, dont un pour “la Mort de Socrate”, lithographiés par Debret », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, année 1979, 1981, p. 130, fig. 2 (lithographie).
– Arlette Sérullaz, « Peintures et gravures », dans cat. exp. Horace de Corneille, voyage autour d’une œuvre, Le Petit-Couronne, Maison des Champs de Pierre Corneille, 1987, p. 90 et note 9 (lithographie).
– Pierre Rosenberg et Louis Antoine Prat, Jacques-Louis David, 1748-1825. Catalogue raisonné des dessins, Milan, Leonardo Arte, 2002, I, n° 50, p. 69, repr. (version du Louvre) et II, p. 1213, n° G.10, repr. (lithographie de Debret).
C’est à la suite du succès de Bélisaire au Salon de 1781 que le comte d’Angiviller, directeur des Bâtiments du roi, décide d’accorder à David une commande royale. L’artiste médite d’ores et déjà la composition d’un tableau inspiré de l’histoire romaine des Horaces rapportée par Tite-Live (Histoire romaine) et dont Corneille a tiré une tragédie célèbre (Horace). Pour éviter le conflit meurtrier auquel les cités concurrentes d’Albe et de Rome s’apprêtent à se livrer, trois champions sont désignés de part et d’autre pour s’affronter dans un combat singulier qui accordera au parti vainqueur la domination du Latium. Or les adversaires que le sort désigne sont unis par des liens familiaux : l’un des trois Horaces est marié à la jeune Albaine Sabine, de la famille des Curiaces, dont l’un des trois fils élus est fiancé à Camille, sœur des Horaces. Seul l’un de ces derniers sort vivant et vainqueur du combat. Son retour triomphal est assombri par les lamentations de Camille pour qui la victoire signe le deuil ; transporté d’orgueil et de fureur, le héros la transperce du glaive qui a vaincu pour Rome : « ainsi meure toute Romaine qui pleurera son ennemi ». Si David arrête d’abord sa pensée sur cette scène féroce, il l’abandonne rapidement au profit de la séquence suivante d’inspiration cornélienne où le vieil Horace plaide l’acquittement de son fils meurtrier devant le peuple (Horace, V, 3). Mais, en raison de son défaut d’action et d’une morale ambiguë, David ne donne pas plus de suite à ce programme qu’au précédent. L’artiste se créera finalement un sujet sur mesure : la scène de la prestation du serment de vaincre ou de mourir que le vieil Horace fait faire à ses fils.
Du projet intermédiaire, le musée du Louvre conserve une composition célèbre à la plume et encre noire (ill. 1), montrant le père déployant toute son éloquence pour sauver son dernier fils, lequel campe une attitude pleine de mépris et d’assurance au-dessus du cadavre encore frémissant de sa sœur. Tandis que ce centre dramatique est rehaussé au lavis gris, les architectures sont tracées à l’encre plus succinctement, tandis que la foule n’est qu’esquissée à la pierre noire. On soupçonnait l’existence d’un autre exemplaire du même dessin, qui aurait servi de modèle à une lithographie éditée par Jean-Baptiste Debret en 1837 à l’occasion d’un dîner annuel des élèves de David. Malgré les doutes d’Antoine Schnapper, enclin à attribuer les différences par rapport à la version du Louvre à la liberté de traduction du lithographe, la plupart des spécialistes se sont rangés à la proposition de Philippe Bordes qui publia le premier ce « dessin perdu » du peintre des Horaces 1.
L’apparition récente sur le marché de l’art de cet exemplaire leur a donné raison. On y retrouve toutes les variantes reproduites par Debret : le corps de Camille est étendu sur la première marche plutôt que sur la seconde, le vieil Horace porte la barbe, le visage du licteur s’élançant vers le condamné n'est pas caché par le bras de son père, et les personnages de l’arrière-plan diffèrent. Dépourvue de lavis, réduite à un trait épuré, la feuille est aussi plus grande que celle du Louvre. Il s’agit donc d’un apport majeur de ces dernières années à l’œuvre graphique de l’artiste. Il confirme l’usage qu’avait David, au moment où il a besoin d’asseoir sa réputation et de diffuser son art, de dupliquer des compositions dessinées pour les amateurs en y introduisant des variantes mineures. Notre version du Vieil Horace défendant son fils n’a cependant pas connu ce sort, sans doute en raison de son inachèvement. David en fit don à Debret, l’un de ses plus fidèles élèves, qui l’avait accompagné à Rome en 1784 pour l’assister dans l’exécution du Serment des Horaces. En le gravant, puis en en faisant don à son ami et ancien condisciple de l’atelier Jean-Louis Ducis, comme l’indique l’inscription nostalgique à la plume en bas à gauche de la feuille 2, Debret en a fait un objet de dévotion davidienne. (M. K.)
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