• ill. 1. Federico da Madrazo, Portrait d’Eduardo Rosales, 1867. Huile sur toile, 46,5 x 37 cm. Madrid, musée du Prado.

C’est à l’Académie royale des beaux-arts, auprès de son maître Federico da Madrazo (1815-1894), qu’Eduardo Rosales fait ses armes pour devenir peintre d’histoire. Il retient de son professeur un goût prononcé pour la grande peinture romantique privilégiant l’aspect émotionnel des sujets, sur le modèle proposé par le Français Paul Delaroche (1797-1856). Eduardo Rosales se distingue néanmoins par la réintroduction de la manière réaliste de Vélasquez, et participe en cela au renouvellement de la peinture espagnole. De plus, fréquentant les nazaréens lors de son séjour de jeunesse en Italie, il est fortement marqué par le purisme et la précision de leur art. De retour de son voyage, après avoir intégré toutes ces leçons, il exécute son oeuvre majeure, Isabelle la Catholique dictant son testament (musée du Prado), qu’il présente en 1864 à l’Exposition nationale des beaux-arts.

Notre autoportrait est réalisé quatre ans après ce succès public ; il est alors reconnu et apprécié, considéré comme un rénovateur de la peinture espagnole – son pays est à un tournant de son histoire, la reine Isabelle II est détrônée par le mouvement révolutionnaire La Gloriosa, en 1868. Mais ce portrait est aussi celui d’un homme malade, atteint de phtisie, qui, malgré la renommée et son mariage cette même année avec Maximina Martinez Pedrosa, voit aussi le crépuscule de sa vie s’approcher. Cette maladie le conduira à refuser le poste de directeur du musée du Prado qui lui sera proposé en 1873. Cette institution détient dans ses collections de nombreuses oeuvres de l’artiste.


Eduardo Rosales se confronta plusieurs fois à l’exercice
de l’autoportrait. Dans notre toile, oeuvre de la maturité, il ne cherche pas une transcription minutieuse des détails, mais souhaite insuffler par une touche vibrante plus de présence à sa figure. Il se représente simplement, élégamment, de trois quarts, vêtu d’un costume sobre, la silhouette se détachant sur un fond uni indéterminé. C’est dans une facture plus réaliste et lisse que Federico da Madrazo réalisait, un an auparavant, un Portrait d’Eduardo Rosales (ill. 1). Ainsi, stylistiquement, dans notre tableau l’élève a dépassé la leçon du maître en s’affranchissant du réalisme académique. Contrairement à d’autres autoportraits de ses confrères, Eduardo Rosales n’impose pas au spectateur une évocation de son statut d’artiste, mais plutôt un dialogue intime avec sa personne. Il ne s’agit pas, en effet, d’une oeuvre publique mais d’une oeuvre à usage privé.

Il meurt prématurément à l’âge de trente-sept ans, avant d’avoir pris ses fonctions de directeur de l’académie espagnole de Rome. Son autoportrait permet d’entrevoir le sens qu’il aurait pu donner à son oeuvre : la touche libre atteste la tentation d’une définition plus moderne de la forme, semblable à celle que Manet explore en France à la même date. (P.B.)

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