Peintre lyonnais qui eut une brève carrière, Georges Dupré nous est connu principalement par les diverses mentions d’oeuvres qu’il présenta aux Salons de Paris et de Lyon de 1828 à 1853. Élève de Pierre Révoil (1776-1842) à l’École des beauxarts de Lyon entre 1825 et 1827, il reste fidèle à son maître en exécutant principalement sujets religieux et historiques, ainsi que quelques portraits.

Dans cet autoportrait de jeunesse, l’artiste a fait le choix de se représenter dans l’intimité de l’atelier ou, du moins, dans un lieu que des objets personnels accrochés au mur identifient comme un cabinet privé. Le visage de face et le buste de trois quarts, il scrute le spectateur invité à pénétrer dans son intimité, effet que renforcent sa tenue décontractée, le cadrage serré, et le format réduit qui suppose la proximité physique du spectateur, afin d’en apprécier les détails.

Le jeune peintre tient dans sa main droite, relevée, un porte-plume, indiquant qu’il est interrompu dans son travail. À cette affirmation de son statut d’artiste s’ajoute l’expression de son ambition, puisque le visage au large front et à la coiffure volumineuse est surmonté d’une couronne de lauriers, symbole d’une réussite, ou tout du moins d’un idéal vers lequel il faut tendre.

L’espace où prend place l’artiste est celui d’un intérieur consacré aux arts et à la détente, comme l’indique l’arrière-plan. Dans l’angle supérieur droit est visible en partie un tableau au cadre imposant, sans qu’il soit possible de dire s’il s’agit d’une oeuvre de l’artiste ou d’une toile dédiée à sa délectation. Sur la gauche, deux objets pittoresques, caractéristiques d’un atelier du XIXe siècle. Alors que la musique romantique connaît son âge d’or, une importante lyre de style Empire à la caisse décorée de rinceaux évoque sans doute le goût de l’artiste pour cette discipline. Cet intérêt pour une autre forme d’art que la sienne montre que l’artiste, comme beaucoup d’autres, veut donner de lui l’image d’un homme cultivé et sociable. De plus, le poignard dont le manche est visible à gauche évoque sans doute un souvenir de voyage, ou du moins un intérêt pour les cultures orientales. En effet, le goût pour l’Orient va être une préoccupation majeure pour les artistes de ce siècle – un an après l’exécution de cet autoportrait le jeune Delacroix réalisera son fameux voyage au Maroc d’où il rapportera de nombreux souvenirs.

L’artiste de seulement vingt-quatre ans nous propose ici une oeuvre iconographiquement riche dans laquelle il démontre sa maîtrise technique. Les effets gradués de la lumière – reflets ténus sur la main, plus caressants sur le visage, et vifs sur la chemise blanche – sont parfaitement maîtrisés et démontrent un peintre accompli qui a mérité son titre et ses entrées aux divers salons.

Quoique de format réduit, cet autoportrait de jeunesse, à la fois intime et ambitieux, contient au fond un véritable programme de vie artistique, un voeu face auquel l’artiste nous prend comme témoins. (P.B.)

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