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La première édition de notre collection Varia était marquée par deux œuvres capitales qui ont depuis connu un destin qui nous réjouit : le Jeune abbé lisant de Martinus Rørbye, icône de l’âge d’or de la peinture danoise, a été acquis par l’Art Institute de Chicago, tandis que Marie Stuart de Francesco Hayez – osons le dire, le plus important tableau de cet artiste hors de l’Italie – fait désormais partie des collections du musée du Louvre. Il n’est jamais facile de remplacer des chefs-d’œuvre – que l’on nous pardonne d’user d’un terme galvaudé peut-être, mais à la hauteur du plaisir que ces tableaux nous procurent. Gageons que ce nouveau florilège de Vignon à Warhol saura éveiller autant de curiosité et d’intérêt que le précédent. D’abord parce que la majeure partie en est inédite. Ensuite parce que certaines de ces découvertes complètent de manière significative notre connaissance de l’art de leurs auteurs.
Luca Giordano n’est pas un peintre rare, mais Caïn maudit après la mort d’Abel illustre un moment clé de son évolution, entre naturalisme néo-ribéresque et dramaturgie baroque ; le nu tragique y possède une force d’interpellation digne du célèbre Bon Samaritain du musée des Beaux-Arts de Rouen. On est de même heureux de pouvoir ajouter un nouveau numéro au catalogue de Louis Cretey, cet autre « Fà presto ». On est troublé devant son Saint Jérôme pénitent, comme devant chacune de ses œuvres, par l’inquiétude métaphysique rendue palpable par la matière et par la nature inculte qui en émerge. Le captivant portrait d’une femme avec une enfant se détachant sur un paysage de clair de lune, par Constant Vaucher, est une révélation, celle d’un peintre helvétique méconnu en dehors de sa patrie pour avoir peu produit. Une étude de Balla des années 1910 n’est jamais chose indifférente, surtout lorsqu’elle se rattache à l’une des plus célèbres créations des Ballets russes de Diaghilev...
Ces Varia 2013 ne présentent certes pas que des œuvres inédites. Celle reproduite en couverture de ce catalogue sera au contraire familière aux amateurs qui connaissent l’art de François-Joseph Navez ou qui ont eu l’occasion de la voir dans Maestà di Roma à Rome, en 2003. C’est néanmoins la première fois que nous présentons cette pièce maîtresse de la première maturité de l’artiste dans le cadre de la galerie. Nous avons aussi eu la chance de pouvoir acquérir Le Supplice de Mézence, superbe exemple de l’art halluciné de Janmot présenté dans Le Temps de la peinture au musée des Beaux-Arts de Lyon en 2007. Ce tableau du Salon de 1865 est d’autant plus précieux que les peintures de l’artiste encore conservées en mains privées sont peu nombreuses.
Mais la surprise vient aussi du côté des maîtres oubliés, tel Robert Bonnart, bien identifié comme graveur, mais dont l’œuvre peint aujourd’hui connu est très restreint, tel Marcel Saunier, peintre romantique mort prématurément et dont Don Juan et Haïdée est l’unique tableau à nous être parvenu, tel Julien Adolphe Duvocelle, dont le Crâne aux yeux exorbités du musée d’Orsay a été largement diffusé à l’occasion de l’exposition L’Ange du bizarre, mais dont la personnalité nous échappe encore totalement. C’est un noble rôle pour le marchand que de sortir des talents de l’oubli, et d’élargir ainsi le spectre de nos connaissances relatives à la production des siècles passés. De nouveau, plusieurs historiens de l’art ont bien voulu partager notre enthousiasme en écrivant dans les pages qui suivent. À Denis Coekelberghs, à Aude Gobet, à Élisabeth Hardouin-Fugier, à Christophe Pizzutti et à Giuseppe Porzio, j’adresse mes plus chaleureux remerciements.
Michel Descours
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