D’abord élève de Lépicié, Danloux a fait ses débuts comme peintre de genre avant de rejoindre l’atelier de Joseph-Marie Vien, signe probable de son ambition de peintre d’histoire. Il accompagne son maître à Rome en 1775 lorsque ce dernier prend la direction de l’Académie de France et y réside jusqu’en 1780. Contrairement à ses condisciples Ménageot, Regnault ou David, tous pensionnaires durant cette période, son oeuvre ne porte pas l’empreinte du voyage en Italie : excepté le Supplice d’une vestale exposé au Salon de 1790 (Paris, musée du Louvre), l’Antiquité n’y tient aucune place ; son style n’est pas plus façonné par l’étude des anciens maîtres d’Italie qu’il ne subit l’influence des artistes de la scène romaine contemporaine, tels Mengs ou Batoni. En revanche, les années qu’il passe à Lyon, où il s’installe à son retour jusqu’en 1785, ne sont sans doute pas étrangères au fini méticuleux qu’il va cultiver pour répondre au goût hollandais de la clientèle aristocratique. Marié depuis 1787 à Antoinette de Saint-Rédan et encouragé dans la pratique du portrait par la fréquentation de la noblesse, Danloux prospère dans ce genre et compte Madame Élisabeth et le comte d’Artois, soeur et frère du roi, parmi ses modèles1. Mais en même temps qu’elle bouleverse sa vie la Révolution va imprimer une direction nouvelle à son art. Fuyant la France républicaine, comme nombre de ses clients, il émigre à Londres en 1792 et ouvre boutique à Leicester Square2. Le libéralisme anglais réussit à cet artiste habile en matière d’autopromotion. Ayant assimilé la manière des peintres britanniques contemporains, il rencontre rapidement le succès, favorisé par la forte demande du marché local dans ce genre depuis la mort de Gainsborough en 1788 et le retrait de Reynolds, presque aveugle depuis quelques années. Peintre à la mode de l’aristocratie écossaise, depuis que le comte d’Artois, installé au château d’Holyrood, l’a introduit auprès d’elle, Danloux obtient des commandes prestigieuses de portraits de héros nationaux, tels Lord Keith et Lord Duncan, et fait graver la plupart de ses productions. Certains spécialistes lui attribuent par ailleurs le portrait du révérend Robert Walker en patineur, icône de la National Gallery of Scotland, depuis toujours considéré de Henry Raeburn3. De retour en France à la suite de la Paix d’Amiens, en 1802, Danloux ne retrouvera pas le prestige dont il a joui outre-Manche, sa tentative pour s’introduire sur le champ de la peinture d’histoire, avec Le Déluge (Saint-Germain-en-Laye, Musée municipal) au Salon de la même année, se soldant par un échec critique.

Notre portrait d’homme, non identifié, est typique de la production anglaise de l’artiste. D’une grande sobriété, la composition isole le buste jusqu’à la taille, sur un fond de ciel crépusculaire qui accuse la fraîcheur juvénile du gentleman dont le visage, modelé avec délicatesse, est empreint de modestie. Le buste est figé, mais la cravate blanche négligemment nouée qui l’anime lui donne un air de naturel. Avec une économie de moyens qui rappelle la manière de peindre de Romney, la matière liquide, le pinceau large et coulant, surtout font respirer le modèle et lui donnent vie. (M.K.)

 

 

1. Voir Olivier Meslay, « Henry-Pierre Danloux (1753-1809), sa carrière avant l’exil en Angleterre », Bulletin de la Société d’histoire de l’art français, Paris, 2007 (année 2006), p. 209-244.
2 La biographie de Roger de Portalis, Henri-Pierre Danloux, peintre de portraits, et son journal durant l’émigration (1735-1809), Paris, E. Rahir, 1910, se concentre sur cette période.
3. Didier Rykner, « Le Patineur d’Henry Raeburn, icône de l’art écossais, serait un tableau d’Henri-Pierre Danloux », mis en ligne le 9 mars 2005 sur www.latribunedelart.com.

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