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(Paris, 1614 – Lyon, 1689)
L’Amour nourri par l’Espérance
Huile sur toile, 93 x 71,5 cm.
Provenance : Sotheby’s, Monaco, 20-21 juin 1987, lot 645 (Charité romaine) comme Gabriel Blanchet.
Bibliographie : Lucie Galactéros-de Boissier, Thomas Blanchet, 1614-1689, Paris, Arthena, 1991, p. 60, fig. 34, 62, cat. P. 148 bis, p. 361-362.
ACQUIS PAR LE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE VALENCE.
D’origine parisienne, Thomas Blanchet est une figure stratégique de la scène artistique lyonnaise du XVIIe siècle. Il se forme à Paris dans l’atelier du sculpteur Jacques Sarrazin, puis passe probablement dans celui de Vouet lorsqu’il décide, assez tôt, de se consacrer à la peinture. Il se rend en Italie à une date inconnue, sa présence à Rome étant documentée de 1647 à 1653. Durant ce séjour, Blanchet est sensible aux différentes tendances artistiques, en apparence contradictoires, qui cohabitent dans la capitale des arts : celle, classique, de Poussin d’une part, celles, baroques, de l’Algarde et d’Andrea Sacchi de l’autre, maîtres qui semblent l’avoir tenu en haute estime. Ses caprices architecturaux, plus libres et variés que ceux de Poussin, sont rapidement recherchés des amateurs.
En 1652-1653, il reçoit la commande du projet de mausolée de Renée de Voyer d’Argenson à Venise, dont la réalisation incombera à Dufresnoy et au sculpteur Claude Perreau. En 1655, Blanchet s’installe à Lyon et devient le peintre officiel de la cité : il décore l’Hôtel de Ville (1655 à 1672), l’Abbaye des Dames-de-Saint-Pierre (1674-1684, actuel musée des Beaux-Arts), conçoit les décors éphémères pour les fêtes, cérémonies et pompes funèbres, souvent en collaboration avec le père jésuite Ménestrier. En 1675, Blanchet reçoit la charge de Premier Peintre de la ville. Vers 1681, il accueillera Cretey, de retour de Rome, dans le cercle de ses collaborateurs, permettant ainsi à ce cadet de faire valoir son génie.
On doit à Lucie Galactéros-de Boissier d’avoir rendu cette allégorie, jadis attribuée à Poussin, à Thomas Blanchet. Identifié à tort comme une Charité romaine lors de son apparition sur le marché de l’art en 1987, ce tableau de ruines, typique de la période romaine de Blanchet, figure au premier plan une allégorie de l’Amour nourri par l’Espérance. Cupidon, reconnaissable aux ailes rouges et dont le carquois se devine à la bandoulière, est allaité par une figure féminine que l’ancre et la pierre quadrangulaire identifient en effet à l’Espérance. Dans son traité d’iconologie, Cesare Ripa rappelle d’ailleurs que « quant à l’Amour qu’elle allaite, cela veut dire, que l’un sans l’autre peuvent être difficilement de longue durée ». Cette pensée s’applique au génie des arts, placé au centre du groupe et environné des attributs traditionnels de la poésie (lyre), de la peinture (palette), de la sculpture (compas) et de l’architecture (équerre). Le génie à la torche allumée peut désigner la Volupté, tandis que celui couché sur le dos accompagné d’un lapin doit évoquer la Fécondité.
À ces amours terrestres font écho les symboles des amours célestes tenus par deux génies flottant dans les airs : l’un tient une clé (parfois associée à la fidélité), l’autre une palme et une boule de feu, attributs de la Félicité éternelle, la palme désignant les victoires qu’il faut remporter ici-bas, tandis que la flamme est un symbole de l’Amour de Dieu. Faute de connaître le destinataire de l’oeuvre, il est difficile de deviner le sens de cette combinaison de symboles au-delà de leur signification allégorique propre.
La configuration géométrique du décor d’architecture domine la composition, formée par les croisements multiples de lignes verticales (fûts de colonnes) et de droites horizontales (murs et façades de l’arrière-plan). Si cette construction semble nier toute perspective, la profondeur est néanmoins instaurée par l’alternance de plans sombres et éclairés, dispositif que Blanchet affectionne. (M.K.)
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