En marge d’un article de Victor Barrucand sur l’oeuvre de Léon Pourtau (1898), les lecteurs de La Revue blanche pouvaient découvrir le portrait gravé sur bois par Félix Vallotton de cet artiste disparu prématurément à l’âge de trente ans1. Pourtau quitte très tôt sa famille bordelaise pour côtoyer les milieux artistiques parisiens et nourrir son intérêt pour le dessin. Par ailleurs, il développe des dispositions pour la musique et rencontre les musiciens des Concerts Lamoureux qui l’aident à intégrer différentes formations musicales (café-concert de la Villette, puis un cirque qui fait le tour de la France). De retour à Paris en 1884, il entre au Conservatoire et obtient un premier prix de clarinette qui lui permet de jouer régulièrement dans des orchestres prestigieux et de donner des cours à Lyon. En 1892, il est engagé comme clarinette solo à l’Opéra de Lyon ce qui assure à sa famille des revenus et un niveau de vie relativement confortables. En parallèle de sa carrière musicale, il parvient à poursuivre son activité de peintre. Parfois il entremêle les deux arts, lorsqu’il réalise cinq peintures intitulées Scherzo, Larghetto, Allegro Maestro, Adagio et Presto, lors d’un séjour en Bretagne. Mais il décide de s’adonner pour trois ans à la musique, en s’engageant en 1895 comme concertiste à l’orchestre symphonique de Boston, dans l’espoir d’économiser suffisamment d’argent pour consacrer plus tard tout son temps à la peinture. C’est pendant le voyage de retour vers l’Europe qu’il meurt tragiquement dans le naufrage du paquebot « La Bourgogne » en 1898. La seule exposition à laquelle il participa de son vivant est l’Exposition annuelle des beaux-arts de Philadelphie (1896-1897) avec une toile intitulée Quatre heures de l’après-midi.
 

À Paris, Léon Pourtau côtoie le groupe des néoimpressionnistes et noue des liens d’amitié avec Georges Seurat qui lui enseigne la subtilité de la technique divisionniste, puis avec Louis Hayet, peintre respectable davantage intéressé par les phénomènes optiques des couleurs. Dans son texte manifeste (D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme), paru en feuilleton dans La Revue blanche en 1899, Paul Signac impose Georges Seurat comme le chef de file du mouvement et en rédige une histoire remodelée de laquelle Hayet et Pourtau sont volontairement exclus. Ils sont pourtant pleinement concernés par le rôle
assigné à la couleur dans la composition du tableau et par son application divisionniste. Son oeuvre relativement restreinte, par la brièveté de sa vie, compte principalement des paysages et quelques scènes d’intérieurs dont l’iconographie fait penser aux premières oeuvres pointillistes de Seurat. La nouvelle technique pointilliste sera pour Léon Pourtau, créateur sociable et enjoué, « une manière d’exprimer sa joie de vivre et son optimisme2 ». Il flâne dans les rues de Paris à la recherche de sujets pittoresques, réalise des croquis sur le motif, décore ses partitions, et prend son temps avant d’exécuter des peintures sur toile. Pourtau sympathisera avec les idées socialistes, mais contrairement à son ami Louis Hayet, qui s’engage dans le militantisme anarchiste, il le fait de façon moins radicale par pur altruisme.

 

Notre paysage fait sans doute partie des peintures réalisées en 1893 dans la région lyonnaise, en particulier sur les rives de la Saône. La composition est construite en trois bandes superposées verticalement : le ciel ennuagé, la berge boisée et l’eau qui reflète les deux autres éléments. La structure de l’image peut être rapprochée des peintures d’Alfred Sisley et en particulier de ses travaux sur les inondations à Port Marly qui adoptent un point de vue placé au milieu de l’eau. Mais la touche privilégiée par Pourtau se rapproche de celle d’un Seurat : des juxtapositions de points de couleurs relativement fins qui montrent l’assimilation de la technique et des effets divisionnistes. (G.P.)

 

 

 

 

1. Voir cat. exp. Peintures néo-impressionnistes, Pontoise, musée Pissarro, 8 juin – 22 septembre 1985 ; Victor Barrucand, « Léon Pourtau », La Revue blanche, mai-août 1898, t. XVI, 1891, p. 549-550.
2. Gilles Caillaud, Léon Pourtau. Vie et oeuvre d’un pionnier du pointillisme. Essai de catalogue raisonné, Milan, Skira, 2014, p. 23.

 

 

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