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    <p style="\\&quot;text-align:" justify;\\"="">ill. 1. Pierre-Nolasque Bergeret, d’après son autoportrait peint en 1814, gravé à l’eau-forte en 1828, publié dans L’Artiste, 1er octobre 1863.

    ill. 2. Jean-Baptiste Dominique Ingres, Autoportrait, 1804. Chantilly, musée Condé.

Issu d’une famille de libraires bordelais, Bergeret étudie
la peinture dans sa ville natale auprès de Pierre Lacour, puis rejoint l’atelier de Vincent à Paris en 1799. En 1801, il passe dans celui de David, où il fait la connaissance d’Ingres et de Bartolini. Entre 1801 et 1805, les trois artistes forment « une espèce d’académie à part » dans le couvent des Capucins, alors reconverti en ateliers d’artistes, et dirigent « les efforts de leurs études sur les ouvrages des artistes italiens de la Renaissance1 ». En 1802, Bergeret obtient la protection de Vivant Denon, qui l’associe l’année suivante à son projet de reproduire par la lithographie les peintures du Louvre, dont Friedrich André, introducteur de la lithographie en France, doit assurer la diffusion. Bergeret devient de fait le premier dessinateur lithographe français en date, et se charge de traduire par ce médium les peintures de Raphaël, Léonard, Parmesan, Jules Romain, mais aussi Rubens2. Cette fréquentation quotidienne des maîtres anciens conditionne son imaginaire et son invention picturale, qu’il consacre à l’histoire des temps modernes, sans abandonner pour autant le langage plastique hérité de David, à la différence de ses anciens condisciples Révoil et Richard. Il fait une entrée remarquée sur la scène du Salon en 1806 avec Les Honneurs rendus à Raphaël après sa mort, acheté par l’Impératrice, et creuse dès lors le sillon du genre anecdotique, avec la Renaissance pour horizon.

Dans ses Lettres d’un artiste sur l’état des arts en France, où il règle ses comptes avec la gloire, qui ne l’a pas soutenu autant que son premier succès pouvait le laisser espérer, Bergeret tente de se replacer dans le tableau artistique de son siècle. Le souvenir de son amitié contrariée avec Ingres est ainsi évoqué aux dépens de ce dernier, jaloux du succès de son ami au Salon, alors que ses propres oeuvres (Napoléon Ier, les portraits de la famille Rivière) y étaient la risée de tous. L’orgueil de l’autobiographe répond après quarante années à celui de l’artiste maudit, qui ne renoua plus jamais le lien après son départ pour la Villa Médicis.

L’autoportrait de Bergeret offre un témoignage du temps de leur émulation. S’il n’est pas signé, sa comparaison avec l’autoportrait de 1814 (ill. 1) ne permet pas de douter de l’identité du modèle. L’épaisseur du dessin, la manière d’arrondir la figure au moyen d’ombres brunes sont de mêmes caractéristiques de sa manière de peindre. La physionomie juvénile évoque une date précoce, que les données de la représentation nous invitent à situer à proximité de l’autoportrait d’Ingres de 1804 (ill. 2), dont il partage un certain nombre de caractéristiques : le fond indéterminé sur lequel l’ombre se projette, le col blanc de la chemise associé au drapé d’un manteau intemporel, l’index dépassant du bord inférieur, indiquant que la main est repliée sur la poitrine,
sont autant d’éléments qui rappellent les portraits du temps de Raphaël que les deux amis ont pris pour modèles. Dans l’autoportrait exposé au Salon de 1814, qui n’est plus connu aujourd’hui que par sa gravure (ill. 1), le peintre a développé ce parti en adaptant ses ornements au statut d’artiste à succès qu’il veut être : le tapis replié sur le parapet du premier plan et la draperie recouvrant le mur à l’arrière lui forment un décor opulent ; le large col de fourrure est un détail vestimentaire que la mode de l’Empire partage avec celle du Cinquecento ; l’ouverture sur le paysage bucolique à droite est un dispositif dont plusieurs portraits d’homme de l’école vénitienne exposés au musée Napoléon ont pu lui donner le modèle. Mais l’esquisse de sourire qu’il arbore trahit une autosatisfaction que les codes du XVIe siècle n’auraient pas permis. Il est vrai qu’au Salon de la première Restauration le peintre peut être fier d’avoir encore réussi à capter l’attention avec Anne de Boleyn condamnée à mort (Paris, musée du Louvre)3, tandis qu’Ingres, qui refuse d’exposer au Salon depuis 1806, reste ignoré du public. (M.K.)

 

 

1. Jean-Étienne Delécluze, Louis David, son école et son temps, Paris, 1855 (1983), p. 297.
2. Paul Joannides, « Leonardo da Vinci, Peter-Paul Rubens, Pierre-Nolasque Bergeret and the Fight for the Standard », dans Achademia Leonardi Vinci, I, 1988, p. 76-86.
3. Voir notre cat. exp. Le Passé retrouvé. L’histoire imagée par le XIXe siècle, Lyon, galerie Michel Descours, 2014, p. 45-47.

 

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