Alors que le musée des Beaux-arts de Lyon consacrera ce printemps une importante exposition au thème de l'autoportrait, la galerie Michel Descours rassemblera une quarantaine de peintures et dessins du XVIIe au XXe siècles sur le même sujet : Le moi en face. Autoportraits de Giordano à Molinier.


Du 26 mars au 25 juin 2016
Vernissage le vendredi 25 mars 2016 à partir de 18 heures

 

Artistes : Marcel Bascoulard, Pierre-Nolasque Bergeret, Albert Besnard, Théodore Blanc, Jean-Jacques de Boissieu, Jean-Claude Bonnefond, George Bouche, André Bouys, Félix Bracquemond, Jean-Baptiste Carpeaux, Émilie Charmy, Joseph Chinard, Jean Cocteau, Claude Dalbanne, Pierre-Toussaint Dechazelle, Jacques-François Delyen, Pierre De Maria, Antoine Demilly, Émile Didier, Charles Dukes, Georges Dupré, Charles Durupt, James Ensor, Émile Fabry, Hippolyte Flandrin, Jean-Baptiste Frénet, Crikor Garabétian, Luca Giordano, Joseph Guichard, Michel Journiac, Pierre Molinier, Roger de La Fresnaye, Théodore Lévigne, Robert Pernin, Jean Raine, Fleury Richard, Eduardo Rosales, Egon Schiele, Max Schoendorff, Clémence Sophie de Sermézy, Joseph Settegast, Pierre Tal-Coat, Tato, Philipp Veit, Séraphin de Vliegher.

 

Note introductive

Les autoportraits sont parmi les premières oeuvres que j’ai collectionnées. Pas seulement les Lyonnais qui ont d’abord eu, c’est vrai, ma préférence, mais tous ceux que le hasard a mis entre mes mains. Nous avions depuis plusieurs années l’intention de les rassembler à la galerie dans une exposition. Un heureux hasard à voulu que le musée des Beaux-Arts de Lyon en précipite la programmation en organisant lui-même une exposition sur ce sujet, en collaboration avec les musées d’Édimbourg et de Karlsruhe. L’opportunité d’offrir au public lyonnais une saison culturelle sur ce thème, à travers deux propositions nécessairement fort différentes, était trop belle pour être manquée, d’autant que le dialogue entre la première institution muséale de la ville et notre galerie a déjà porté ses fruits il y a deux ans à l’occasion de L’Invention du passé.

Les esprits blasés diront « encore une ! ». Il est vrai qu’une épidémie d’autoportraits souffle ces derniers temps sur le globe des musées. Pas moins de six expositions ont été organisées sur ce thème pour les seules années 2015-2016, par des institutions d’envergure internationale : Autoportraits. Chefs-d’oeuvre de la collection du musée d’Orsay, aux musées des Beaux-Arts de Nancy et de Quimper, Reflections on the Self, chez Christie’s Londres, Artists in the Frame: Self-Portraits by Van Dyck and Others, à la Manchester Art Gallery, Selfie: Self Portraits From the Permanent Collection, au Des Moines Art Center, Autoportraits hollandais. Les selfies du siècle d’or, au Mauritshuis, et enfin Autoportraits, de Rembrandt au selfie, le projet conçu conjointement par la National Gallery d’Édimbourg, la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe et le musée des Beaux-Arts de Lyon. Questionnement humaniste ou narcissisme ? Pratique de l’altérité ou repli sur soi ? Il faut, en réalité, voir ce genre particulier comme un vaste continent, au paysage aussi varié que les individualités qui le peuplent, un sujet inépuisable en somme.

Nous ne prétendons certes pas rivaliser avec les chefs-d’oeuvre que les grands musées peuvent aligner. Cependant, quarante années de découverte ont permis de réunir des ensembles qui ne sont pas sans intérêt, et qui, je l’espère, apprendront quelque chose de nouveau. Il y a les Lyonnais du XIXe siècle, bien sûr : le sensible Dechazelle est l’occasion de remettre en lumière cette personnalité capitale de l’histoire culturelle de la ville au tournant du XIXe siècle. Car, en matière de reconnaissance, il n’y a, aujourd’hui encore, rien à changer à ce qu’écrivait Fleury Richard il y a plus d’un siècle et demi : « La ville de Lyon a contracté vis-à-vis de lui une dette qui reste encore à payer. C’est en vain qu’au musée on cherche son buste ou son portrait à côté de ceux de nos compatriotes dont le nom se lie aux souvenirs de cette régénération intellectuelle de notre cité. » Il ne nous est pas indifférent d’ailleurs de saluer l’homme qui a porté la soierie lyonnaise à un degré de perfection que le monde entier nous a envié ; c’est grâce à son génie de dessinandier que la renommée de la Fabrique a traversé l’Atlantique, est parvenue jusqu’en Russie et en Orient. On peut certes s’interroger sur un attachement comme le nôtre à un moment où les responsables locaux et nationaux sont prêts à mettre en pièces un fleuron de notre patrimoine artistique, le musée des Tissus. Nous ne ferions pas ce métier si nous avions de tels états d’âme !

Que l’on nous permette donc d’éprouver aussi quelque fierté d’avoir rapporté dans sa ville natale le marbre que Chinard, cet autre « phare » de la cité, destinait à son tombeau. Il s’agit là encore d’une histoire de déshérence : comme l’image d’un dieu pénate de l’Antiquité, la statue a orné la tombe de l’artiste dans le jardin de sa propriété du quai de l’Observance, jusqu’à ce que son neveu la place sur son monument néogrec érigé au cimetière de Loyasse en 1839. Mais lorsque, en 1910, ses descendants réalisèrent que les oeuvres de leur aïeul pouvaient valoir quelque chose, ils enlevèrent le marbre du tombeau et le vendirent, privant ce lieu de mémoire de l’âme que cette image lui donnait. Mais nous n’avons pas souhaité nous limiter au milieu lyonnais, le foyer artistique qu’a été cette ville depuis le XVIe siècle méritait mieux qu’une vision régionaliste. Nous avons au contraire voulu élargir le champ et illustrer le dialogue des nations qui, de tout temps, a animé la république des arts. Il y a les partisans de Raphaël (Bergeret, Guichard, Flandrin, Veit, Besnard) et ceux de Rembrandt (Lévigne, Bouche), les mondains (Dechazelle, Sermézy) et les saturniens (Richard, Carpeaux, Cocteau), les candides (Bonnefond, Dupré, Pernin) et les tartuffes (Guichard), ceux qui cherchent une vérité, ceux qui la travestissent. Dans la dernière partie de l’exposition, le jeu des apparences montre qu’il est possible d’être l’un et l’autre. C’est un concours de mutisme et un concert de voix. Quelques collectionneurs ou amis nous ont épaulés par des prêts, tandis que la somme des connaissances réunies dans ce catalogue doit beaucoup aux auteurs qui ont bien voulu y contribuer. À tous, j’exprime ma très vive reconnaissance.

Michel Descours

 

 

Réduire

Lire la suite